Depuis la création du site lasourisquiraconte.com le 27 septembre 2010, il y a un peu plus d’un an, j’ai instauré avec grand plaisir un certain nombre de rituels. Celui que je préfère est celui où je donne la parole aux auteurs et aux illustrateurs. L’occasion pour eux de s’exprimer, et pour les lecteurs de La Souris Qui Raconte, de connaître les coulisses de fabrication d’un livre numérique !
Aujourd’hui, j’ai eu envie de vous donner la parole, à vous Christophe Loupy (Metantropo), pour que vous nous donniez quelques recettes d’écriture.
Votre contribution aux histoires de La Souris Qui Raconte est la deuxième. Après La petite flamme (collection Histoires à lire) illustrée par Mehdi Sévère et mis en ligne le 20 octobre dernier, Les deux rois, la sorcière et le sage (collection Histoires à jouer) illustrée par Johan Toggenburger a démarré le 12 décembre dernier. Les deux illustrateurs qui ont travaillé sur vos très jolis contes pour enfants, ont un point commun que je divulguerai plus tard.
Mais avant je voudrais que vous nous disiez comment vous avez connu La Souris Qui Raconte et pourquoi vous avez eu envie de lui soumettre vos textes.
En parlant de souris… Tiens, justement… je suis comme la petite souris… au courant de beaucoup de choses avant les autres… Enfin, quand je dis beaucoup de choses, sous-entendu dans l’édition jeunesse. En fait, j’ai la chance d’avoir une double casquette. D’une part, je suis auteur en littérature jeunesse ; et d’autre part, directeur de publication de l’annuaire professionnel de l’édition jeunesse, Le Guide de l’Edition Jeunesse.
Ce gros annuaire (de plus de 1500 entrées) aura 10 ans d’existence l’année prochaine et je dois dire que cette longue route aux côtés des professionnels fait qu’aujourd’hui j’ai, de façon régulière, de nombreuses informations de leur part. C’est ainsi que j’ai appris la création de La Souris Qui Raconte. Ce concept vraiment novateur m’a tout de suite séduit car j’ai imaginé immédiatement quel fabuleux produit cela pouvait donner aux enfants. La suite, vous la connaissez, j’ai eu envie de m’investir dans le projet, d’abord en tant que directeur de publication en ajoutant cette maison d’édition à notre annuaire ; et ensuite en tant qu’auteur car j’ai eu envie de proposer mes propres contes.
Comment avez-vous ressenti les interprétations que Mehdi et Johan ont faits de vos œuvres, et trouvez-vous un lien dans leurs univers respectifs ?
Lorsque j’ai découvert les illustrations faites par Mehdi et Johan sur mes textes, j’ai tout d’abord été impressionné par leur talent. Leur trait est à la fois clair et précis, leur style très proche des styles graphiques modernes que l’on trouve actuellement dans les films d’animation, mais avec, en plus, un travail sur l’ombre et la lumière que j’aime beaucoup. Même s’ils ont chacun leur univers graphique, je dirais qu’ils se rejoignent dans ce style audiovisuel moderne utilisant l’outil numérique (qu’ils maîtrisent admirablement tous les deux).
Etant tous les deux issus du jeu vidéo, leur approche graphique s’en ressent. Ce sont les seuls illustrateurs à avoir intégré dans leurs illustrations, des effets de flou ou de travelling. Peut-être est-ce cela leur style audiovisuel moderne…
Que pensez-vous de l’édition « pure-player », vous, auteur papier. Et les éditeurs avec lesquels vous signez des contrats intègrent-ils le numérique ou pas encore ?
Je me réjouis toujours de nouveaux supports artistiques et culturels. L’édition « pure-player » apporte des choses que l’édition papier ne peut apporter. Même dans les romans basiques. Le fait de pouvoir transporter une bibliothèque de plusieurs milliers de titres avec soi partout dans une simple tablette numérique de quelques centimètres, c’est extraordinaire. Le fait de pouvoir lire son roman dans le métro sur son smartphone, même dans le noir, c’est pratique. Personnellement, je me lance, moi aussi, en tant qu’auteur, dans l’édition numérique avec une série de romans d’aventure pour les ados, Code : Lady G, qui raconte les aventures fantastiques de la célèbre chanteuse américaine. Le premier épisode, La pyramide de Mu, est déjà en ligne, le second aussi, depuis quelques jours. Il s’intitule La citadelle de Ksanthor.
Je pense qu’il ne faut pas avoir peur du numérique dans l’édition. Le papier et le virtuel continueront à vivre en parallèle. Il y a quelques années, lorsque la musique assistée par ordinateur a fait son apparition, on l’a accusée de tous les torts. Elle allait, disait-on, remplacer les musiciens, les mettre au chômage. Finalement, chacun a trouvé sa place et la création musicale s’est élargie avec ce merveilleux outil. Il en sera de même avec la littérature numérique. C’est une belle invention et, on le voit avec le catalogue de La Souris Qui Raconte, cela dynamise la création.En ce qui concernent les contrats, certains de mes éditeurs papier tentent d’y intégrer le numérique mais pour l’instant, il est difficile de signer quoi que ce soit en la matière car les syndicats d’auteurs et les syndicats d’éditeurs ne sont pas d’accord sur tous les points. C’est normal, toute technologie nouvelle entraîne son lot de questionnements et de transformations. D’ici quelques temps, je pense que les intérêts de chacun trouveront leur place dans un accord et que des contrats « types » préservant à la fois les auteurs et les éditeurs seront élaborés. Il faut faire confiance en l’intelligence de chacun.
Je crois savoir que vous avez encore une troisième casquette, vous pouvez nous en parler.
En effet, je suis également instituteur en maternelle à plein temps. Cela fait, comme vous vous en doutez, des semaines bien chargées. Les mercredis vaqués, je ne connais pas, et mes semaines de travail sont souvent plus proches de 50 que de 35 heures. Je me lève à 6h00 pour pouvoir travailler une heure avant de partir à l’école et le soir je m’y remets jusqu’à 19h00. Quant aux vacances scolaires, je les passe à rattraper la paperasse en retard, ou parfois sur la route, comme l’an dernier, où j’ai passé une semaine en février au lycée français de Madrid dans les classes de maternelle pour des animations autour de mes albums, puis une semaine à Pâques dans un groupe scolaire en Bretagne pour animer, cette fois, dans toutes les classes, de la maternelle au CM2.
Lorsque vous écrivez, comment cela se passe-t-il ? Dans un bureau, avec un ordi et un clavier, ou de manière moins formelle sur un coin de table dans un bistrot ou votre cuisine ?
Cela dépend du moment. Chez moi, c’est sur mon PC dans mon bureau. A l’extérieur, c’est sur mon ordinateur portable. L’été, j’emmène un cahier à spirale pour écrire sur la plage. En fait, j’ai beaucoup de facilité à me concentrer, quelque soit l’endroit. Je suis conscient que c’est un luxe, mais c’est aussi une nécessité car, contrairement aux confrères qui ne font que ça, j’ai intérêt à « rentabiliser » mes moments libres si je veux que mes histoires voient le jour.
Quelles étaient vos références dans l’écriture de vos deux contes ?
Pour La petite flamme, l’idée m’est venue de « l’effet papillon ». Je me suis dit que l’on parle bien souvent de ce phénomène en l’attribuant à une chaîne négative, et qu’il serait intéressant de la développer, au contraire, positivement.
Pour Les deux rois, la sorcière et le sage j’ai observé autour de moi. J’ai vu que les gens, finalement, se disputaient au départ pour des choses sans importance, et que cela prenait vite des proportions incroyables. Dans une file d’attente, par exemple, pour gagner 1 minute 30 (chronomètre en main !), ou sur la route, pour gagner 4,50 mètres… Mais ce qui est le plus étrange dans ce conte, c’est que je l’ai écrit avant les événements du 11 septembre et qu’ensuite, lorsque cette tragédie s’est produite, j’ai constaté des parallèles troublants dans mon texte : les deux pommiers géants, par exemple, ressemblent beaucoup aux deux tours (ils dominent le village, on les abat et des milliers d’habitants meurent). Le nom du roi Rico (qui veut dire riche en espagnol) mais qui, associé à Lamé (nom de son village), donne LaméRico (L’Américo) ; la sorcière qui conseille « Plante ces deux graines au sud de ton verger, là où le soleil et l’eau caressent tes terres… », les tours jumelles étaient situées au sud de Manhattan, langue de terre entourée d’eau et éclairée (soleil) par la statue de la liberté… Je vais terminer en disant que le titre original, celui que j’avais trouvé pour ce conte était Big apples, normal pour une histoire de grosses pommes, sauf que Big apple est aussi le surnom de New York…
A ce jour, je n’ai toujours pas d’explication à ces « coïncidences », mais c’est un phénomène, je dois dire, qui m’a toujours fasciné et excité mon imagination.
En effet, toutes ces coïncidences sont pour le moins troublantes !
Parlez-nous de Metantropo, qui est-il ? Après quelques recherches je me rends compte que les titres parus sous ce patronyme datent un peu, publiez-vous encore sous ce pseudo ?
Ce pseudo, je l’ai inventé à mes débuts. Je venais d’écrire mon premier roman pour ados, un roman fantastique pour les éditions Magnard jeunesse et je m’étais amusé à trouver un pseudonyme fantastique pour « ficeler » l’ensemble. Metantropo est construit sur deux racines grecques, Meta (qui signifie, « un peu plus que », « au-delà de ») et Antropo (qui signifie « être humain »). C’est ainsi que, pour cette histoire fantastique, j’ai signé, non avec un certain amusement, « Metantropo » (un peu plus qu’un être humain). Seulement voilà, ce que j’ignorais à l’époque, c’est que ce choix allait me piéger. En effet, lorsque, quelques temps plus tard, j’ai signé mon premier roman ado chez Flammarion, la directrice de collection, qui connaissait mes romans fantastiques chez Magnard, m’a demandé : « Voulez-vous signer Christophe Loupy ou Metantropo ? ». Comme il ne s’agissait pas d’un roman fantastique, mais d’un récit d’aventure sur fond historique, je pensais signer tout naturellement Christophe Loupy. Mais elle avait sa petite idée en tête : « Comme les ados ont commencé à vous découvrir sous le pseudonyme de Metantropo, il serait bien, me dit-elle, de signer ce roman sous le même nom. » Je devais reconnaître que son analyse était judicieuse et j’ai accepté de signer une nouvelle fois Metantropo. Depuis ce jour, je signe Christophe Loupy pour les enfants et Metantropo pour les ados (et les adultes). D’ailleurs, en réponse à votre question, je continue à écrire pour les ados car j’ai sorti en mai dernier L’invasion des kaméléons chez Milan Jeunesse (Wallis, 12 ans, hémiplégique, va sauver le monde de l’invasion de créatures capables de prendre l’apparence humaine), le second tome L’Amnêzone sortira fin 2012. Un autre roman d’aventure sur fond historique, est prévu aussi pour fin 2012, Un fantôme pas comme les autres chez Océan Editions (Blandine, 12 ans, traquée par un SS sanguinaire en 1944, va être aidée par le fantôme de Simon, 13 ans, qui en 2005, a des pertes de connaissances pendant lesquelles son esprit remonte le temps malgré lui). En comptant un roman fantastique pour adultes L’Antestament et ma série de romans numériques Code : Lady G, voilà les différents « Metantropo » signés dernièrement.
Et bien… ! tout ça en 50 heures par semaine ? Bravo Monsieur Loupy ! Et au-delà des livres qu’aimez-vous par dessus tout ?
J’aime voyager, découvrir les merveilles du monde et rencontrer les gens ; les soirées entre amis, la cuisine de ma femme et surtout son foie gras maison (chic, c’est la saison !) ; les sports funs pour ne pas dire extrêmes (bien qu’à 50 ans on ralentisse forcément).
Que détestez-vous par dessus tout ?
Le froid (mes origines réunionnaises y sont peut-être pour quelque chose…) ; les conflits, les grandes gueules (tout peut se résoudre par le dialogue entre personnes de bonne intelligence, non ?) et la violence de l’homme sur la femme ou sur l’enfant.
La nouvelle année est encore au pied des sapins et j’ai quelques accointances avec le Père Noël, avez-vous un souhait pour 2012 ?
Mon plus grand souhait serait que les gouvernements du monde entier interdisent, à partir de 2012, la spéculation sur les denrées alimentaires. Si le Père Noël arrive à faire ça, promis, je l’aide dans sa tournée l’année prochaine !