En ce début de septembre, un nouveau livre numérique vient de paraître. J’aimerais en partager les coulisses avec vous. C’est en effet une tradition sur ce blog qui donne la parole aux auteurs / illustrateurs pour permettre à ses lecteurs de mieux comprendre comment se font nos livres.

France Quatromme vous êtes l’auteure de « Mon ami crocodile ». Parastou Haghi vous avez mis en images les mots, plein de rires et de larmes, de France.

Mon ami crocodile

France, pourquoi le cirque et le choix de vos personnages, Paco, Joseph, Zoran et tous les autres ?

J’aime les arts du spectacle en général. En tant que conteuse, je me sens des affinités avec cet univers. J’aime beaucoup le cirque contemporain et notamment le clown. Pour cette histoire, c’est Paco qui a mené la danse. Autour de lui j’ai imaginé une galerie de portraits rocambolesques, une petite famille d’artistes.

Il y en a-t-il un qui a votre préférence ?

pacoBien sûr c’est le personnage de Paco, le clown qui a ma préférence, il est censé faire rire mais il est plein de tristesse et de maladresse, d’humanité en somme, comme le sont les clowns… et nous tous !

Parastou, avez-vous un personnage préféré ? Ils sont tous hauts en couleur et vous les avez transcendés, comment les avez-vous imaginés ?

sarahJ’ai aimé tous les personnages de cette belle histoire et en même temps j’ai essayé d’en créer d’autres qui n’existaient pas ou dont on ne parlait pas. Mon préféré c’est Sarah, peut-être parce que je me reconnais dans ce personnage. C’est bizarre, mais après avoir illustré et dessiné son visage, je me suis rendue compte de nos ressemblances, son visage, son style, jusqu’à son apparence. On se ressemble beaucoup ! Ça m’arrive souvent de terminer un dessin, une peinture ou une illustration, et de constater comment le visage de mes personnages me ressemble !

France, pourquoi avoir choisi d’écrire ce livre comme un journal ? Du mercredi 1er juin au samedi 11, Paco nous livre son chagrin causé par l’indifférence de Gisèle, une drôle de fille Gisèle !…

La forme de journal est venue assez rapidement lorsque j’ai écrit cette histoire. Je souhaitais une écriture qui nous mette au plus près du vécu et des émotions de Paco. Gisèle n’est pas sensible aux qualités de ce personnage, elle ne voit pas au-delà des apparences mais lui-même ne voit pas non plus ce qu’il a sous les yeux !

Est-ce que vos talents de conteuse facilitent votre écriture ?

J’aime beaucoup travailler mes histoires à l’oral, travailler la musique des phrases et des mots. Cela diffère bien sûr à l’écrit, c’est moins direct, j’improvise davantage à l’oral. A l’écrit tout doit être plus précis, chaque mot doit être pesé.

Vous transmettez aussi votre expérience au travers de formations pour adultes, dans quel cadre ?

Je donne des cours aux professionnels de la petite enfance et du livre pour partager mon expérience du conte auprès des tout-petits dans une école d’éducateurs mais aussi dans les crèches et les médiathèques. Je propose aussi des cours autour de la littérature jeunesse dans une école d’éducateurs.

Parastou, pouvez-vous nous expliquer comment vous vous « emparez » d’un texte qu’on vous confie ?

En fait quand je reçois un texte, je le lis plusieurs fois comme beaucoup d’illustrateurs bien sûr ! Avant de commencer le travail artistique, je prépare les croquis et les images et j’essaye de vivre avec le texte, les mots, la phrase, l’histoire et les personnages. J’imagine tous et toutes dans ma tête et j’essaye de me mettre à leur place. Après m’être imprégnée de tous les personnages, je m’installe à ma table et je commence à préparer des sketchs (dessins préparatoires). Ce qui est important pour moi en tant qu’illustratrice, c’est de pouvoir ajouter une nouvelle histoire, une autre narration au texte. C’est à partir des mots de l’auteur(e) que je crée un sous-texte qui s’inscrit dans l’univers de mes personnages et aide à définir les paysages dans lesquels ils évoluent. Mes illustrations décrivent des univers relevant du rêve et de la fantaisie, valeurs que je tente de mettre en avant car elles enrichissent mes images et le message qu’elles tendent à faire passer. Pendant la construction d’une œuvre, j’imagine chaque image sous des angles différents ; je joue avec les personnages, je parle avec eux, puis les illustrations viennent lentement sur le papier. J’ai une certaine approche au niveau de la peinture, mais celle que j’ai développée au niveau de l’illustration me plaît davantage. Quand je fais de l’illustration, je me sens vraiment heureuse, cela m’apporte une réelle satisfaction. Je crois fermement que j’ai choisi d’exercer ce métier d’abord pour moi-même et dans un second lieu pour les autres, particulièrement pour les enfants. Je le fais parce que j’aime illustrer des contes et des histoires.

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Une question pour toutes les deux maintenant, ce n’est pas la première fois que vous collaborez ensemble, pouvez-vous nous parler de « Slaap lekker baby beer » (chez Clavis un éditeur Belge). Le livre existe-t-il en Français ?

France : Je suis une grande admiratrice du talent de Parastou ! Nous avons participé ensemble à un concours international, l’album est arrivé en quatrième position. Il a été publié aux éditions Clavis à la suite de ce concours et existe également en Français « Bonne nuit bébé ours ! » et dans plusieurs autres langues. C’est un album-berceuse avec une série de petites bêtes qui viennent tour à tour tenter d’endormir bébé ours en vain.

Bone nuit bébé ours

Parastou : Oh c’était une très belle collaboration, mais ce n’était pas la première ! J’avais déjà travaillé sur un texte de France, mais nous n’avions pas trouvé la bonne maison.
« Slapp Lekker Baby Beer » était un magnifique travail pour nous deux. Un jour j’ai trouvé par hasard sur internet un concours biennal (Concours international des Illustrateurs « Key Colours » 2012) et je voulais absolument participer donc j’ai pensé à France, car je la connaissais déjà et j’aimais beaucoup ses textes et son talent. Je lui ai proposé de travailler sur un projet commun et de l’envoyer au concours. Après avoir été nominé, il est devenu un des 5 gagnants, j’ai été ravie de ce succès !
Le livre existe en français et aussi en anglais. Il est sorti récemment aux États-Unis. Je suis très heureuse et chanceuse d’avoir une collègue comme France. Elle a confiance dans mon travail et mes illustrations, c’est rassurant et cela me donne tellement d’énergie lors de mon travail. Bien sûr moi aussi j’ai cette confiance. On ne s’est jamais vu, dommage, mais cela ne nous empêche pas d’être amies. La distance ne m’a jamais dérangée. Les choses ne sont pas toujours évidentes en travaillant dans ces conditions, mais j’arrive à trouver un côté très agréable au fait de partager ma vision et mes illustrations avec un écrivain comme France sans la rencontrer de près. J’espère pouvoir garder ce contact avec elle pendant des années.

Parastou, vous vivez en Iran. Vous y êtes née. Y avez-vous toujours travaillé ?

Je suis née en 1986, dans une charmante ville iranienne du nom de Rasht et j’adore mon pays. Il y a un an et demi que je suis revenue ici en Iran à Rasht (une ville au nord). J’ai commencé à travailler à l’âge de 20 ans en tant que peintre et illustratrice. J’ai commencé à collaborer avec les magazines et petit à petit j’ai eu des beaux contacts avec des maisons d’édition partout dans le monde. En fait j’ai toujours aimé dessiner. Après l’obtention d’un baccalauréat en peinture à l’université de Téhéran en Iran, j’ai décidé de continuer mes études à l’étranger, me concentrant sur l’art contemporain. Tout en prenant de plus en plus de plaisir à faire de la peinture et des installations, j’ai continué à faire de l’illustration en dehors de mes études universitaires.

Pourquoi avez-vous choisi de revenir en Iran ?

J’ai vécu pendant 5 ans à Belfort, j’avais 5 ans quand j’ai quitté l’Iran avec ma famille et à l’âge de 10 ans je suis rentrée chez moi, mais j’ai passé une très belle enfance en France. Après des années en 2010 je me suis rendue à Montréal pour continuer mes études. J’ai obtenu ma maîtrise en Arts visuels et médiatiques à L’UQAM en 2013. Cependant, je suis toujours restée fidèle à ma ville natale de Rasht. En effet, pendant mes études à Montréal, j’avais l’intention de retourner chez moi en Iran et de continuer à vivre et à travailler en tant qu’artiste et illustratrice dans mon pays natal. Je suis ravie d’avoir pris cette décision. La vérité c’est que je suis amoureuse de mon pays et tout ce que je fais ici me rend tellement heureuse ! Je pourrais dire que je me sens très efficace dans mon pays. J’ai eu des belles expériences en France et au Canada mais je pense que maintenant il est temps d’utiliser tous mes acquis et de les transmettre à ceux qui n’ont pas la possibilité de découvrir d’autres endroits, d’autres pays, d’autres vies…

Quelques mots sur Baadbaan Studio

« Baadbaan » est mon atelier et en persan cela signifie voile. Cela me rappelle la mer du port, les marins, les bateaux… car comme je l’ai dit je suis née dans une ville qui est très proche de la mer. Dans mon atelier, je vis, je travaille, je passe une grande partie de mon temps à peindre, illustrer et enseigner aux enfants. C’est un endroit de détente, d’inspiration pour moi. Dès mon retour en Iran, j’ai décidé de préparer pour moi-même un endroit, un atelier pour travailler et continuer ma vie artistique et professionnelle. Cela va bientôt faire 2 ans que je me suis installée à « Baadbaan ». J’organise plusieurs ateliers de création pour les enfants et les jeunes. En ce moment j’ai 15 élèves et on s’amuse beaucoup.
Baadbaan c’est : « This is a place where creating is fun and a child can imagine his own world! ».
La page de FB de BaadBaan (NdR)

Création et imagination… c’est vivifiant comme l’air de la mer, et les enfants doivent y être bien, c’est sûr !
A l’occasion du salon du livre de Sharjah et de l’exposition regroupant bon nombre d’illustrateurs, j’ai pu me rendre compte de la richesse des artistes iraniens. Je ne les imaginais pas si nombreux et talentueux.

Je m’intéresse au travail d’illustrateurs de tous horizons : iraniens, français, américains, russes… J’observe beaucoup ce qu’ils font et cela m’intéresse énormément. Mais j’admire beaucoup les illustrateurs et illustratrices iraniens car j’ai grandi avec eux. A mon avis les illustrateurs iraniens sont des plus talentueux. Artistes de renommée mondiale ! Je n’exagère pas du tout, car je vois comment ils travaillent dur, sans arrêt avec beaucoup d’espoir. Ce qui est inquiétant pour nous Iraniens, en tant qu’illustrateurs, c’est la mauvaise qualité des livres publiés en Iran. On ne peut pas comparer la bonne qualité des livres en Europe avec celles de l’Iran. Chaque livre est le fruit du travail de plusieurs mois d’un écrivain et d’un illustrateur donc pour eux c’est comme un enfant. Nous aimons avoir des beaux enfants, non ?

Evidemment ! Et je comprends parfaitement ce que vous ressentez, bien que les livres publiés par La Souris Qui Raconte ne soient pas imprimés, il n’en reste pas moins que l’impression contribue aussi à sa qualité.
Merci France, merci Parastou pour vos réponses et ce partage. C’est quelque chose qu’on aime faire ici, découvrir un peu de vos histoires autour de l’histoire que vous avez accepté de me confier.

Et pour lire Mon ami crocodile sur vos tablettes, ne manquez pas ce petit tutoriel.

à suivre


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