Savez-vous où se trouve l’Equateur ?
Pas celui qui divise notre monde en deux à mi-chemin de ses pôles, mais le pays ? Avant d’être contactée par Lise Goussot, responsable de la médiathèque de l’AF de Quito (capitale de l’Equateur), je ne le savais pas. J’ai donc regardé sur une carte, et j’ai découvert un tout petit pays coincé entre le Pérou et la Colombie.
Petit mais avant-gardiste en Amérique du sud !

 

Voilà un peu plus d’un an, Lise Goussot, m’exposait son projet de création d’un album numérique :

J’avais découvert La Souris Qui Raconte à l’époque où elle se trouvait sur la Culturethèque et avais été enchantée par votre production.
Nous sommes en train de monter un projet de création d’un album numérique avec des artistes locaux, et je me pose des questions sur la partie technique et sur la possibilité d’un partenariat avec vous.

Aujourd’hui il est temps de vous dévoiler ce projet qui sera mis en ligne en libre accès sur le site de La Souris Qui Raconte et également disponible sur la Culturethèque de Quito début 2019.

Le livre « La tristesse de l’oiseau bleu » sera bilingue Français/Espagnol (La tristeza del pajaro azul) et lu dans les deux langues. Les artistes locaux retenus sont Kevin Cuadrado pour les textes et Maria del Carmen Herrera pour les illustrations. Il s’agit d’un conte équatorien, où la préoccupation écologique est très prégnante. Un album que je devrais aller présenter à Quito si tout se passe comme prévu, avec conférences ou tables rondes autour des questions sur le livre numérique. Je m’en réjouis évidemment et ne manquerai pas de vous tenir informés.

Kevin Cuadrado – Maria del Carmen Herrera

C’est comme ça, Eliot est un ourson qui n’a ni pieds ni jambes ! Ça ne le dérange pas puisqu’il a des rêves plein la tête. France Quatromme nous livre une jolie histoire sur l’amitié, la volonté, le dépassement de soi, et Céline Chevrel en a réalisé les illustrations tout en tendresse et douceur.

France, après un premier ouvrage, Mon ami crocodile, publié chez La Souris Qui Raconte, tu as bien voulu me confier Le rêve d’Eliot. Dans ces deux histoires, il est question des petits chagrins de la vie, et du moyen de les surpasser ! Un thème de prédilection ?
F.Q. : Le thème de la différence traverse ce récit. Je pense que c’est d’ailleurs une préoccupation universelle qui parle aux plus jeunes comme aux adultes. Nous avons tous pu un jour souffrir de nous sentir différent. Au lieu de la porter comme un poids, l’assumer permet de la transformer en force. Ce thème revient fréquemment dans mon écriture.

Un petit retour sur les illustrations de Céline ?
F.Q. : J’ai découvert les illustrations de Céline avec émerveillement. Je trouve qu’elle a su magnifier cette histoire. Elles sont très oniriques.
La voix et la musique contribuent aussi beaucoup au ton de l’histoire à la fois poétique et joyeux.

Au-delà d’écrire, tu contes. C’est quoi le conte pour toi ?
F.Q. : Le Conte c’est avant tout un moment, une rencontre. Je m’attarde sur la vulnérabilité de l’homme qui doute et du monde qui tremble. C’est aussi le partage d’une utopie. J’y partage des rêves, la solidarité, l’écologie sur un ton poétique mais aussi bien souvent humoristique.

Que te permet-il de plus que la lecture simple d’un livre ?
F.Q. : Le Conte me laisse davantage de liberté. Il me permet d’être plus à l’écoute de moi-même et du public. Je peux raconter 20 fois la même histoire, elle n’aura jamais la même saveur.

T’arrives-t-il de faire des ponts entre tes livres et le conte ?
F.Q. : Le Conte influence mon écriture c’est certain. J’aime les symboles. J’ai cependant parfois l’envie de m’éloigner aussi de ce type de structure. L’écriture est un terrain de jeux pour moi, une aventure. J’écris des récits à la première personne, des livres très ludiques qui jouent avec l’illustration. L’écriture a certainement également influencé ma façon de raconter.

Céline, comme pour beaucoup de nos illustrateurs, Le rêve d’Eliot est votre première création numérique. Comment avez-vous trouvé l’exercice ?
C.C. : J’ai d’abord été très enthousiasmée par le thème de l’histoire et son écriture pleine de tendresse, c’est ensuite seulement que j’ai réalisé que mes illustrations seraient animées. Je n’avais auparavant jamais ouvert un livre numérique, et j’ai découvert que mon univers pourrait s’enrichir d’une autre dimension.

Quelles différences majeures cela a-t-il eu sur votre travail de création ?
C.C. : Je travaille encore « à l’ancienne », à la peinture et au crayon sur du papier, et j’utilise partiellement l’informatique pour retoucher, mais je n’avais pas anticipé toutes les étapes  d’une image animée et j’ai mis un peu de temps à rentrer dans cette nouvelle temporalité. J’ai dû détourer toutes mes images, une par une, et, je crois, les feuilles et les arbres d’une forêt entière! Mais je trouve le résultat incroyable.

A l’instar de France, vous diversifiez vos activités autour de la création. Vos boîtes, pour ce que j’ai pu voir sur votre site, sont superbes. J’y ai même retrouvé des illustrations qui figurent dans Eliot. Comment vous est venue l’idée de détourner de vieux objets ?
C.C. : J’ai toujours aimé les vieux objets un peu oubliés, j’ai voulu leur redonner une belle fonction : être l’écrin d’un monde marin imaginaire. Je crée dans des boîtes anciennes de petits cabinets de curiosité peuplés de baleines ailées, d’hippocampes, méduses et autres merveilles… qui se sont partiellement retrouvés dans les rêveries d’Eliot !

Les cabinets de curiosité de Céline

Toutes les deux, parlez-nous des enfants auxquels vous vous confrontez ! Pourquoi ces rencontres sont-elles nécessaires ?
F.Q. : Je me nourris des temps d’écriture et de solitude nécessaires à la création mais aussi de ces temps de rencontres. Le partage anime mon envie de continuer à écrire. Dans le conte, je sais tout de suite ce qui fonctionne ou pas dans une histoire. L’écriture à ceci de frustrant que je ne vois pas les enfants réagir à mes histoires. Je rêve d’être une petite souris dans l’ombre d’une chambre d’enfant au moment de la lecture…
C.C. : J’aime dire aux enfants que je rencontre qu’ils ne doivent pas arrêter de dessiner, qu’avec un simple crayon ils peuvent s’évader, inventer, se tromper, reconstruire… Je suis autodidacte et c’est mon enfance plutôt solitaire qui m’a permis de considérer le dessin comme un élément presque magique de ma vie.

Merci à vous deux pour vos réponses et pour cette belle fusion du texte et de l’image. Le rêve d’Eliot est une petite merveille de tendresse, qui se lit jusque dans les regards des animaux de l’histoire.


Image Culturebox

Le 11 septembre prochain sortira dans toutes les librairies, la version papier du livre numérique L’alphorêt (de Marie-Laure Depaulis, illustré par Claire Fauché) en co-édition avec mes amies de L’Apprimerie. Ce livre papier est le deuxième que nous co-éditons, et m’associer de la sorte est, je pense, nécessaire pour une maison d’édition 100% numérique qui n’est pas dans le circuit de la diffusion/distribution. La publication d’un livre numérique est beaucoup plus simple que celle d’un imprimé, il suffit presque de faire « Envoyer » et hop, c’est sur le web ! Enfin… presque !

Hervé Bienvault, dans le milieu de l’édition numérique on ne te présente plus. Tu es l’actif rédacteur d’un blog « Aldus » qui se fait l’écho de la culture littéraire numérique en y associant presque toujours les supports. Tu as accepté de répondre à mes questions et je t’en remercie.

H.B. : Merci ! Je me focalise sur le livre numérique comme d’autres sur les timbres, les coléoptères ou la cuisine végane… 12 ans déjà, pas trop lassé, cela arrive de temps en temps le coup de blues mais ça passe. Sur le fond je concilie ma passion intacte de la lecture et des petites liseuses, j’avoue que je suis tombé dans la marmite de ces dernières. Toujours la même excitation quand je les découvre, petites, et grandes dernièrement enfin…
Mes lectures sont désormais à 90% sur elles et j’estime globalement que je lis presque 2 fois plus qu’il y a 10 ans, et j’étais déjà dans la catégorie des gros lecteurs, c’est dire… Un bain de jouvence… Pour moi, elles devraient même être remboursées par la sécurité sociale !

Une idée à soumettre en effet, au ministère de la santé ou celui de la culture ?
Le mois de septembre est le mois de la « Rentrée littéraire ». Qu’est-ce qu’elle t’inspire cette rentrée qui revient chaque année avec ses centaines d’ouvrages ?

H.B. : Consterné comme beaucoup je crois. Un raz-de-marée qui n’a aucun sens. Il va surnager une dizaine de livres en fin d’année. Allez 50 on va dire dans la tête des libraires qui s’en rappelleront, …confusément. Le reste pilon, circulez, y’a rien à voir. Cartons et papier toilettes… Le ratio est effrayant… Moitié moins de livres comme il y a 15/20 ans serait revenir à la raison, pour les libraires comme pour les lecteurs. Un système vicié, la traduction du libéralisme effréné à nos métiers en quelque sorte. On dit que l’on va faire quelque chose, on ne fait rien du tout.

Peux-tu nous parler des changements que tu as observés au fil des années ?

H.B. : Plus de titres, tirage à la baisse dû à la baisse très significative du coût de production à l’unité (notamment effondrement des frais fixes). Je connais bien ces aspects-là, j’ai suivi tout cela entre 1986 et 2005, vingt ans au cœur du système. Côté mise en place, même si des efforts ont été faits par certains groupes pour moduler le système de l’office, il reste globalement en défaveur du libraire qui finance le système et qui en meurt à petit feu…

Source BASIC*

La rentrée littéraire 2018 c’est 567 nouveaux romans (français et étrangers), et à l’instar des années précédentes, cette rentrée n’emporte pas dans son tourbillon la littérature de jeunesse. Pour ce que j’ai pu constater, les éditeurs de jeunesse, ainsi que les blogueurs qui traitent de la jeunesse, s’emparent pourtant de l’expression, et septembre est une période aussi prolixe en publication jeunesse. Pourquoi donc ?

H.B. : Je ne crois pas que l’édition jeunesse soit embarquée dans le courant de la rentrée littéraire. Traditionnellement ce sont plus des pics en fin d’année et au printemps. Je me rappelle que chez Albin Michel Jeunesse, octobre/novembre et mars/avril étaient les pics au niveau de la production. Au contraire je dirais, on ne voulait pas brouiller le message avec la rentrée littéraire. En plus, l’édition jeunesse est beaucoup liée à de la production externalisée en Asie avec des rythmes différents. Il faudrait demander à des libraires jeunesse s’il ont vu une évolution. Pour moi la surproduction jeunesse, si elle existe, est plus liée au succès du secteur qu’à la saisonnalité elle-même. Tous les éditeurs dans les années 2000 (ou un peu avant) se sont mis à ouvrir des secteurs jeunesse lorgnant sur la rentabilité de ce secteur.
Pour répondre précisément à ta question, l’activité de l’édition jeunesse me parait décalée sur octobre/novembre, moment où les prix littéraires sont joués. Mais c’est peut-être une erreur de ma part, une évolution que je n’aurais pas vue. J’ai été plongé dans l’univers de l’édition jeunesse entre 1992 et 2001 (chez Albin Michel Jeunesse et avec mes enfants en bas âge), beaucoup moins depuis.

La Souris Qui Raconte et L’Apprimerie vont, à leur petit niveau, venir encombrer les étals jeunesse des librairies, « L’alphorêt » ayant eu son petit succès lors de la présentation commerciale. Mais au-delà des précommandes le circuit d’un livre est complexe, et ce n’est pas parce que tout le stock est « placé » que c’est gagné. De ce que j’ai compris, ça peut même faire assez mal quelques mois plus tard…

H.B. : Oui, retours en janvier. C’est à vérifier, mais je pense que le boomerang est moins brutal que la rentrée littéraire. Il me semble que les libraires jeunesse accordent plus de temps à des livres qu’ils ont aimés, ils sont plus prêts à les défendre. Pour la littérature, cet aspect-là est devenu une fable, c’est 5 semaines et basta. Comme la fable de « défendre un catalogue d’éditeur », la vaste blague… Combien de fois je me suis fait la réflexion pour de très bons livres, je suis sans aucune illusion aujourd’hui. Après, pour des petits éditeurs, difficile de se faire une place sur les tables par rapport à des gros, le problème reste entier je le sais. Globalement je pense que les libraires jeunesse sont encore dans le « temps moyen ou long ». Terminé pour la littérature. Je ne sais avec quel diffuseur/distributeur vous travaillez.  Il faut absolument que vous alliez défendre vous-mêmes vos livres dans des librairies jeunesse de référence, à la fois pour prendre la température et évaluer votre potentiel, mais je pense bien que vous l’avez déjà fait.

Oui, enfin c’est surtout le travail de L’Apprimerie ! Pour ce qui est de nos partenaires diffuseur et distributeur, il s’agit de CED Cedif et POLEN. Donc pour continuer la réflexion, des soucis et des coûts qui n’existent absolument pas avec les livres numériques…

H.B. : Oui c’est sûr, mais les libraires se fichent complètement du numérique. J’étais encore avec quelques illusions il y a 5 ans, je n’en ai plus aucune aujourd’hui. Comme on dit, il ne faudra pas venir « pleurer » dans 10 ans. C’est le cas dans une moindre mesure pour la jeunesse (épiphénomène), le réveil sera plus brutal dans l’éducation, professionnelle et universitaire (scolaire à voir ?). Tous les éditeurs iront directement si ce n’est pas déjà fait, en tout cas c’est le plan à venir. Pour la littérature, les rayons des libraires déjà rempli à 90-95% de livres de poche, les nouveautés sur les tables pour 5 semaines, le reste sur commande en livre à la demande, comme « avenir du livre » on repassera… Je crois que l’édition littéraire va avoir un réveil brutal dans les années à venir, alors que le numérique devrait être un relais de croissance important, il n’y a qu’à voir comment Bragelonne fait son chemin dans son domaine sans a-priori, lui.

Des raisons pour freiner l’édition numérique ?

H.B. : 3/4 acteurs ont acté entre 2010 et 2015 la « limitation » (la mort serait trop fort) du livre numérique (entente ?) avec des mesures efficaces, DRM, prix, communication (absence de communication serait plus juste). Dès que l’on parle de numérique chez les éditeurs, c’est la peur d’Amazon… On en est là malheureusement. Et après on fait quoi ?

Mais penses-tu que celle-ci se suffise un jour à elle-même ? Tous les pure player (même en littérature adulte) impriment aussi. L’édition 100% numérique n’a toujours pas trouvé son modèle, crois-tu qu’elle puisse en avoir un ?

H.B. : Côté pratique et accès, le message est passé. Le livre homothétique a quand même pris, malgré ce que j’ai dit précédemment. Le relais du livre numérique « augmenté » ne s’est pas fait. Je pense que le public n’a pas forcément vu une plus-value réelle par rapport à tous les contenus présents sur le web de manière gratuite.
Les éditeurs jeunesse ont été embarqués dans le phénomène malgré eux. Quelque chose qui n’existait pas, je me rappelle, du temps du CD Rom des années 90. La situation a radicalement changé.
Et puis l’absence totale de visibilité. « Ah bon, ce sont des livres ? » Donc, on va vers l’imprimé pour exister…
Le 100% numérique m’a toujours paru une vue de l’esprit en littérature, j’en parlais avec François Bon dès les débuts. Pour le livre jeunesse, je pensais qu’il y aurait un espace mais la concurrence du web était sévère.
Est-ce que les choses pourront évoluer ? Oui, je pense, mais il faudra attendre d’autres supports, d’autres modèles de diffusion, certainement du côté des abonnements, c’est de ce côté-là que cela viendra. Mais c’est peut-être l’univers du jeu qui rafflera la mise, j’avoue que c’est difficile à dire, tu dois plus le sentir de ton côté.

Un modèle que j’ai choisi depuis le début, et qui me positionne là où je suis aujourd’hui, avec un catalogue qui croît à raison de cinq titres par an !
Pour finir, de mon point de vue les éditeurs ont freiné le marché du numérique pour des histoires de gros sous ! Enfin c’est ce que je pense, et je crois que tu n’es pas loin de le penser également ?

H.B. : Oui, histoires de gros sous. Des commerçants comme les autres. 

Peux-tu préciser ?

H.B. : Avant les années 2000, les éditeurs avaient le pouvoir. Cela fonctionnait bon an mal an, quelques succès et les droits d’auteurs en valeur d’ajustement.
On peut dire que la double prise de pouvoir de la distribution et des financiers a amorcé un virage radical. Peut-être pas un hasard si la production a flambé finalement sous cette pression. Entre les économies drastiques sur les budgets (éditeurs, relecteurs/correcteurs, fournisseurs) et les programmes éditoriaux de plus en plus fournis pour « faire du chiffre »…
Quant au numérique, comme je le disais, vers 2009/2010, 3/4 personnes ont analysé le marché américain, rencontré les acteurs là-bas, vu ce marché comme une prédation faite par Amazon et Apple à moindre résultat. Comment l’éviter ? On a mis à contribution les pouvoirs publics, l’Europe, lobbying intense, fable de la loi sur le prix unique, TVA, etc. Sur le fond je comprends, il fallait organiser un front, mais peut-être pas une ligne Maginot, on sait comment ça a fini…
Amazon s’en fout, ils sont dans le temps long, auto-publication, livres d’occasion, les drones, le frais, les couches et la télé, le jeu et les matchs de football demain. Ils peuvent attendre de voir les libraires et certains éditeurs disparaître (il y en aura), ils compteront les points à la fin.
Je te parais peut-être un peu cynique et désabusé ! Je vais orienter la suite de ma carrière professionnelle différemment et on en reparlera.
Hahaha, ça vaut dire que tu vas rejoindre Amazon ? Je plaisante, et je comprends ton cynisme ! Là où je te rejoins à 200% c’est lorsque tu parles de ce mécanisme comme la traduction du libéralisme effréné, produire et consommer, très vite, trop vite… Et on n’a même pas évoqué la question des auteurs, au cœur de toute publication, une prochaine parole d’expert, tiens !?

H.B. : En tout cas ravi que vous travailliez ensemble avec les filles de l’Apprimerie, vous faites partie des gens que j’aime beaucoup dans ce milieu, gardez votre fraicheur et la qualité de vos livres, numériques comme imprimés ! Bises à toutes !

Merci Hervé pour cet échange nourri, et bonne continuation à toi, où que ta carrière professionnelle te conduise.

*Un lien intéressant dont ALDUS s’était fait l’écho ici

 


27 | 08
2018

L’été, tout le monde le sait, est le temps des travaux, du grand ménage ou des déménagements. Et bien croyez-moi si vous le voulez, mais chez Apple et Google c’était aussi l’été !

Depuis le début de l’été, donc, se succèdent dans ma boîte mail des messages de ce type

ou encore de celui-ci

qui ne laissent plus place au doute. Les applications de La Souris Qui Raconte sont balayées les unes après les autres, et la poussière n’est pas juste déplacée sous le tapis…

Depuis 2012, comme beaucoup d’éditeurs, j’ai participé à l’aventure d’un marché que tous imaginaient prometteur, en publiant ma première application Conte du haut de mon crâne (enfin pas tout à fait, la deuxième en réalité puisque c’est Antiproblemus veut sauver la terre qui a ouvert le bal). D’autres ont suivi. 8 en chiffre. Aujourd’hui après six ans, quelques mises à jour quand même, et un chiffre d’affaires global qui doit avoisiner les 35k€ l’ensemble, la messe est dite. Je ne joue plus, comme beaucoup de mes coreligionnaires, 35k€ c’est grosso modo le coût de développement d’une application, ce qui vous donne une idée de la rentabilité du business. Et puis ras-le-bol d’Apple, ras-le-bol de Google, soyons ouverts et lisibles par et pour tous !

Je m’excuse ici du désagrément que ces balayages pourraient vous causer (je pense d’abord aux bibliothécaires), mais je profite aussi pour rappeler que les dites applications sont ou seront disponibles en html5, donc lisibles sur tablettes : Le livre papillon et L’ogresse ont déjà faits leurs mutations, les autres suivront, doucement.

Belle rentrée à toutes et tous, et f*** les G & A des GAFA, encore que je pourrais inclure tout le quartet, mais c’est une autre histoire !

Mise à jour le 4 décembre : plus une seule application sur le Google Play. Toutes sorties, pour raison de sécurité. Dans l’App Store résistent Conte du haut de mon crâne, qui sera disponible en HTML5 début 2019 et L’ogresse, déjà disponible en HTML5. Thibault au pays des livres a été supprimé aujourd’hui… alors que les applications restent parfaitement lisibles !

 


La complicité entre les deux autrices de ce nouvel album numérique m’est apparue immédiatement. Et si d’ordinaire, une illustratrice (ou illustrateur) travaille « seul(e) » sur le texte qui lui est confié, la connivence entre Laëtitia Peyre (au texte et à la voix) et Anaïs Vielfaure aux images, a été grandissant tout au long de l’élaboration du rendu final, animé et interactif.

Le livre numérique « Petits chagrins et grands copains » regroupe trois histoires très courtes pour les plus jeunes des lecteurs de La Souris Qui Raconte. Il devait initialement porter le titre général de « Histoires à doigts ».
histoire à doigtsLaëtitia, parlez-nous de ces « Histoires à doigts » et de votre approche contée de ce projet.

LaëtitiaJ’ai découvert les Histoires à doigts (ou « jeux de doigts » comme on les appelle également) au détour d’une formation à l’art de conter animée par Ralph Nataf et j’ai tout de suite adoré ça ! Raconter des histoires avec la voix seule était pour moi très intimidant mais ajouter la chorégraphie des mains et détourner en quelque sorte, le regard du public était d’un seul coup, beaucoup plus confortable ! La toute première « Histoires à doigts » que j’ai créée, c’est celle de Léo le Lion (Casse-tête et bouclettes). Mais je ne l’aurais peut-être jamais fait si une amie ne m’avait pas sollicitée pour l’anniversaire de son fils… Léo !
C’est formidable lorsque votre entourage voit en vous des capacités que vous ne soupçonniez pas vous-même…

Quelles différences majeures existent entre les « Histoires à doigts » et « Petits chagrins et grands copains » ?

Laëtitia : Quand Anaïs m’a envoyé les illustrations de Léo, je n’en suis pas revenue ! C’est vraiment comme si elle avait donné corps à ce lion que je ne me représentais pas moi-même. Et pourtant, c’était bien lui, à n’en pas douter ! Après, c’est au niveau de la narration que c’est très différent et aussi surprenant pour moi. Quand je raconte les mésaventures du lion, du lapin ou de la coccinelle, un geste est associé à chaque phrase, il apporte son rythme et découpe le texte. Je peux mettre un silence parce qu’il se passe quelque chose sur mon visage par exemple. Mais dans la version animée et interactive, ce sont les illustrations d’Anaïs qui cohabitent avec ma voix ! Lors de l’enregistrement, j’ai donc pu m’amuser à donner d’autres interprétations, d’autres couleurs et l’habillage sonore ajoute encore une toute autre dimension aux histoires…

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Anaïs, pouvez-vous nous expliquer votre rencontre avec Laëtitia, ainsi que votre démarche créative pour la conception de « Un pois c’est tout », « Toc, toc et hop! » et « Casse-tête et bouclettes »

Anaïs : J’ai rencontré Laëtitia lors d’une soirée pour les intervenants du concept store Happy Families. Je crois me souvenir que nous cherchions toutes les deux à boire, quelque chose de pétillant… la soirée a filé et nous avons échangé nos cartes. J’ai tout de suite été bluffée par ses créations d’« Histoires à doigts », je trouvais l’idée originale, avec plein de potentiel. Cela faisait aussi très longtemps que je recherchais un/une auteur(e) pour travailler sur des projets. J’ai proposé à Laëtitia d’illustrer ses projets. On avait de très belles histoires et toutes les deux plein d’idées.

La démarche créative de la collection a toujours été de travailler images et texte ensemble.
Pour chaque histoire, j’ai proposé à Laëtitia un univers graphique qui devait marcher par coup de cœur. Son avis était donc très important au moment des premiers dessins. J’ai pris mon inspiration, directement à la source, quand Laëtitia me les racontait en live. Je l’ai fait répéter plusieurs fois ! Quand nous étions toutes les deux d’accord, on pouvait alors les présenter. Un travail en duo. Nous avons d’ailleurs créé une page Facebook et Instagram pour nous présenter. Clémentine et Marguerite. Laëtitia est Clémentine, je suis Marguerite.

 

Les trois histoires sont très différentes, pourquoi ces partis pris d’univers graphiques si éloignés ?

Anaïs : Les textes de Laëtitia m’inspirent des choses très différentes et chacune de ses histoires mérite un univers unique. J’aime aussi l’idée des exercices de style (Raymond Queneau) qui me permettent de ne pas m’enfermer dans un seul. Pour la collection, l’objectif était de créer quelque chose de dynamique et une palette. Il fallait que les univers se complètent, tout en racontant des choses différentes. 

Comment avez-vous, ensemble, élaboré le projet et pensez-vous qu’il eut été différent si vous n’aviez pas eu cette grande complicité ?

Laëtitia Des allers-retours oui, beaucoup ! Des idées qui rebondissent les unes sur les autres et en créent de nouvelles… Des doutes, des changements de direction… Des rires ! Surtout beaucoup de rires ! A dire vrai, je ne vois pas comment nous aurions pu faire différemment !
Anaïs : Nous avons travaillé le projet par étapes, avec des brainstormings pour développer les idées d’animation en aller-retour, et en travaillant le sens des images par rapport aux mouvements. Je crois que le forfait de téléphone de Laëtitia a beaucoup beaucoup chauffé, car par moment, la ligne coupait. « On devait être sur écoute », c’est ce qu’on se disait alors en reprenant la conversation de plus belle.
Illustrer le travail d’un auteur que l’on ne connait pas, n’a rien à voir, d’autant plus quand ils ne sont pas des amis. C’est un tout autre travail, moins gai et beaucoup plus hésitant. Travailler en duo, c’est avoir confiance en l’autre et savoir aussi que l’on peut compter sur lui quand on a des doutes. Un duo !

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Racontez-nous également comment, toujours ensemble, vous avez reçu la première histoire animée et interactive, « Casse-tête et bouclettes », qui n’étaient plus les fichiers Illustrator indépendants les uns des autres.

Laëtitia : C’était déjà fou d’avoir des images sur mes mots mais de voir ces images bouger, cela relevait carrément de la magie ! L’ambiance sonore aussi  à laquelle je suis particulièrement sensible m’a émerveillée : c’était, en quelques clics, la jungle au milieu de mon salon ! J’ai parcouru l’ensemble très vite puis je me suis ruée sur mon téléphone pour appeler Anaïs ! Je me souviens qu’elle était très émue d’entendre mon émotion. Je n’ai ensuite eu qu’une hâte, faire découvrir cette première histoire animée à Arthur, mon petit garçon…
Anaïs : Nous avions prévu avec Laëtitia, de nous appeler ce jour-là….Timing parfait pour échanger en direct ! Se projeter d’un dessin fixe à sa version animée, c’est très excitant. On invente des personnages, on réfléchit à des animations, mais tant que le tout n’est pas orchestré, on n’est jamais sûre du résultat. C’est un long travail que nous étions toutes les deux très contentes de voir aboutir. J’espère que nous aurons l’occasion de rencontrer nos futurs petits lecteurs, pour qu’ils nous expriment leurs idées et avis pour chaque histoire. C’est toujours un moment délicieux, c’est là que le fruit du travail se voit le plus. Quand leurs visages s’illuminent et qu’ils s’expriment. Avec les enfants, jamais de triche.

Il ne me reste plus qu’à vous remercier l’une et l’autre pour cette nouvelle participation, et la confiance que vous-mêmes m’avez accordée.
Le temps des vacances approche, alors surtout lectrices et lecteurs, petits et grands, ne cessez jamais de lire… Excellentes vacances et à vous retrouver en septembre pour de nouvelles aventures littéraires avant d’être numériques.