Tout le monde connaît cette œuvre courte d’Ernest Hemingway, et les initiés connaissent la traduction récente faite par François Bon. Une traduction polémique, dont il était question aussi ici ! Je ne reviendrai pas sur ce sujet qui a incontestablement donné à ma lecture une dimension qu’elle n’aurait pas eu si cette controverse ne l’avait pas précédée. La noblesse d’une traduction respectueuse (pour ne pas dire amoureuse) attaquée par des requins d’une espèce inconnue en mer, et dont je ne ferai pas la publicité… Une mise en abîme du livre ?
J’ai éprouvé un très grand plaisir à la re-lecture de  ce texte. Comme beaucoup de pré-ados, je l’ai étudié en classe ; et probablement comme beaucoup de pré-ados je n’en avais, alors, pas apprécié la véritable dimension. Je ne vous ferai pas l’affront de vous résumer l’histoire. Le hasard faisant souvent bien les choses, et comme chez La Souris Qui Raconte, l’image est aussi importante que le texte, mon résumé sera celui de Hagen Reiling dont je vous laisse apprécier toute la maîtrise du tracé.

Un vieil homme, un enfant, un poisson « frère », des requins… tels sont les protagonistes de cette œuvre qui prônent des valeurs d’amitié et de solidarité, de force et de combativité, de stratégie bienveillante aussi (si, si, c’est possible) ! J’ai aimé sans retenu ce vieil homme, noble, grand, beau… J’ai aimé la valeur du combat équitable, entre Santiago et l’espadon qu’il appelle son frère ; chacun dans le respect de la force de l’autre, mais l’un plus malin que l’autre ! J’ai aimé l’amour de l’enfant, Manolin, qui a tellement de choses à apprendre de Santiago, et dont il n’a jamais douté. J’ai soutenu Santiago dans son combat contre l’espadon, j’ai essayé de comprendre sa tactique de pêche, et comment, au bout de trois jours et deux nuits, il l’arrime à son embarcation. J’ai été soulagée de le voir épuisé mais vainqueur !

Le récit n’aurait certainement pas eu la même portée philosophique si le vieil homme était simplement rentré au port, après une pêche miraculeuse qu’il n’espérait plus. Hemingway lui impose un combat supplémentaire. Bien plus vil, bien plus lâche, disputé par des requins avides. « Le vieux » comme Santiago s’appelle lui-même, est épuisé. Il n’a presque rien mangé depuis des jours. Ni dormi. Ses mains et son dos le font terriblement souffrir. Et pourtant, il doit combattre encore, comme pour se justifier ! Dès lors que le premier requin entame la chair de l’espadon, les suivants se succèdent sans laisser de répit au vieil homme, dans une bataille dévastatrice et injuste.

Ce combat c’est le combat de sa vie. Pour sa survie. Pour la mémoire de son frère. Il doit vaincre… malgré tout.

Cette œuvre, remarquablement contemporaine, m’a profondément émue, vous l’aurez compris ! Elle renvoie à beaucoup de fondamentaux, que j’essaie tant bien que mal de défendre dans mes propres publications. Le respect de soi et des autres, même si l’autre est, ici, un espadon. Ce poisson gigantesque sorti du ventre nourricier de Dame Nature. Il est le « Bon » de la Nature, quand le requin est le « Mal » ! Il est bien sûr question de bravoure et de courage, et le choix d’un vieil homme est essentiel. Car ce qui le rend fort n’est-ce pas sa sagesse plutôt que ces muscles fatigués ?  Enfin l’enfant. L’innocence. Il aime ce vieil homme et n’a jamais cessé de croire en lui, même vieux, même sur la fin de sa vie, parce que justement, il a tant à lui apprendre !

Alors, le moins que le vieil homme puisse faire, au nom de son frère, au nom de Manolin, par respect pour lui-même aussi, est de ne pas s’avouer vaincu, jamais. De ne pas bouder la chance qui a mis sur sa route ce poisson qui, à lui seul, aurait pu nourrir un homme tout un hiver, et le rapporter, coûte que coûte.

Une leçon d’humilité remarquable que je vous invite vivement à partager ! Merci Monsieur Hemingway et merci Monsieur Bon !


Ici vous avez pour habitude de trouver des sujets qui parlent de lecture, de livres, de création, visant particulièrement la jeunesse, mais avec une spécificité toute numérique.
Seulement voilà, certaines journées sont plus difficiles que d’autres. Un rendez-vous qui se passe mal. Un métro pris à contresens, parce qu’on tourne en boucle le rendez-vous qui s’est mal passé. Et, de retour à la maison, un foin du diable sur la toile autour d’un problème d’une injustice colossale, qui entre en résonnance avec ce rendez-vous foiré, prenant de fait une dimension personnelle ! Journée de m… !

David contre Goliath ou François Bon contre Gallimard.

François Bon, pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est publie.net une maison d’édition 100% numérique. Quant à Gallimard, on ne les présente plus, bien qu’avec cette affaire, ils soient passés maître dans l’art du buzz ! Souvenez-vous de la rue Sébastien Bottin !
L’énorme dichotomie qui existe entre l’édition dématérialisée, que certains, comme François, pratiquent comme un art, et l’édition très physique (voire musclée) du papier devient trop violente !

Pour faire court, François Bon a mis en ligne la semaine dernière Le vieil homme et la mer dont il a lui-même fait la traduction. Seulement voilà, ce texte phare d’Ernest Hemingway, disparu en 1961, est édité par Gallimard dans sa première traduction.
L’affaire est compliquée. Je ne suis pas ici pour la juger et vous invite, si vous êtes curieux, à vous faire votre propre opinion en vous rendant sur tierslivre le blog de François. Vous y découvrirez des billets additionnels émanants d’autres blogueurs.

Je vous pose maintenant une question, pensez-vous que les 22 exemplaires vendus par publi.net au prix de 2,99€ méritent cet anathème ?

De quoi est-il vraiment question ici ? Pourquoi tant d’hostilité ?

Certains hommes courageux accomplissent un travail formidable par passion, par amour. Ils agissent avant tout parce qu’ils aiment ce qu’ils font. La lettre, le mot, la phrase… Cet amour là, ils veulent le partager, le transformer, au regard de l’autre, en un voyage inoubliable !

Lorsque vous avez la chance de trouver quelqu’un pour vous accompagner vers de nouveaux horizons, faits de beaux mots, de belles images, ne vous sentez-vous pas rassurés ? N’avez-vous pas envie de le suivre ?
Vous l’aimez ce quelqu’un. Vous avez envie que tout cet amour, que lui même vous donne, soit entendu, élargi, partagé ! C’est tout l’art des créateurs, François Bon en est un.

Attaquer François de la sorte, son travail, son œuvre, c’est frapper bien bas, et c’est bien triste… malheureusement à l’image d’une société (comme le dit FB) « prête à tous les gâchis pour maintenir son pouvoir » !