Avec la sortie du livre numérique bilingue « La tristesse de l’oiseau bleu » commandité par l’Alliance Française de Quito, était prévu un voyage en Équateur pour visiter les Alliances et partager mes expériences et le parcours d’une maison d’édition jeunesse 100% numérique.
Rentrée mercredi dernier, je vous raconte.

C’est le cœur battant (et l’angoisse au ventre, je n’y peux rien…) que je décolle le mercredi 3 avril direction Quito via Amsterdam. Douze heures et quelque plus tard, Lise Goussot, directrice de la bibliothèque de l’Alliance Française m’accueille à l’aéroport. On est toujours mercredi, il pleut sur Quito et j’ai sept heures de décalage dans les yeux, qui me piquent d’autant plus que le réveil était à 4h du matin. Après une courte nuit, « jet lag » moins facile à absorber dans ce sens que dans l’autre, Lise me récupère à l’hôtel direction l’école française La Condamine pour rencontrer les 21 élèves de CP et leur maîtresse. La première heure est dévolue à la découverte du métier d’éditeur et des différences entre éditeur papier et éditeur numérique, exemples de livres papier remarquables à l’appui. « King Kong » d’Antoine Guillopé aux éditions Gautier-Languereau, « Océano » d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud aux éditions Hélium (qui a déclenché des Oh et des Ah d’admiration chez les enfants) et « Nocturno, petite fabrique de rêves » aux éditions Syros, imaginé par une artiste argentine.
Pour le livre numérique, il s’agissait bien sûr de « La tristesse de l’oiseau bleu » écouté principalement dans sa version française. S’en est suivi un petit exercice, écrire une ou deux phrases en français toujours commençant par Q’usñichi… Cela permettait aux enfants de se remémorer les aventures de Q’usñichi, et de réécrire à leur manière ce dont ils se souvenaient. Un dessin, tracé au trait, qu’il fallait mettre en plumes et en couleurs, récompensait de l’exercice. En souvenir de cette rencontre, Lise et moi avons réalisé un petit film des 21 pages écrites et illustrées par les élèves.

Océano © Boisrobert/Rigaud
King Kong © Guilloppé
Nocturno © Isol

 

 

 

 

 

 

Ils ont entre 6 et 7 ans, et lisent parfaitement

L’après-midi s’est passé à l’Alliance en attendant la présentation du soir, dédiée à La Souris Qui Raconte et ses spécificités. Présentation faite en français et traduite en espagnol par Lise au fur et à mesure de la soirée. Le public, principalement constitué d’élèves de l’AF, s’est montré fort intéressé, et des questions tout aussi pertinentes m’ont été posées.

Vendredi matin, après une nuit pas tellement plus longue que la précédente, direction l’université UDLA pour rencontrer des étudiants en multimédia. Une université qui ferait pâlir d’envie beaucoup d’étudiants ici en France. Pour ce que j’ai pu voir, les salles de cours du premier étage sont toutes équipées de Mac (environ 24 par salle), avec tablettes graphiques (sur demande, m’a-t-il semblé). L’exercice, après présentation de LSQR et focus sur ses spécificités en matière d’animation, était de créer une planche de bande dessinée sur un thème au choix des étudiants. Après une courte séance en mode brain storming, [une souris qui voit son abri (une boîte en carton) détruit par des chats ivres et bagarreurs est obligée de quitter le bar où elle a élu domicile], les étudiants ont illustré chacun une case en vue d’une animation. Si les équipements sont parfaitement enviables, la liberté dont disposent les étudiants est surprenante (pour une européenne). Ça rentre, ça sort, tout ça dans une ambiance bon enfant et sans obligation de résultat. La professeure n’a pu utiliser qu’une seule case terminée comme exemple. Après avoir imprimé l’illustration de la case, et découpé les éléments la constituant, elle a fait un court film d’animation. Il se trouve que les éléments de l’illustration, coupés au format de la case, montraient bien ce qu’il faut éviter de faire lorsque l’on veut ensuite animer. Il fallait dessiner plus largement que les limites de la case et ne pas « couper » les éléments du bord pour un meilleur résultat.

Brain storming

L’après-midi du vendredi, Lise et moi nous sommes rendues en taxi dans une annexe de l’AF de Quito. Après une bonne heure et quart de voiture sous la pluie (il pleut beaucoup en avril à Quito), nous avons rencontré des apprenants de tous âges. Trois cessions se sont succédées, avec au programme, en fonction des niveaux, conversation autour de mon métier d’éditrice sous forme de questions pour le deviner, et lecture (en français) de « La tristesse de l’oiseau bleu ». Un peu plus difficile pour les débutants, qui malgré une première écoute en espagnol, avait du mal à retrouver le fil de l’histoire qu’ils lisaient en français. En revanche, le groupe des jeunes ado, étaient au taquet ! Plein d’humour et une envie sincère de partage.

Samedi était la journée « officielle » du lancement de « La tristesse de l’oiseau bleu ». Un dernier atelier était au programme avec la classe de Lisa Papillon. Les étudiants ont d’abord eu droit a une présentation de LSQR, la même que celle faite le jeudi soir. Probablement moins concernés que le public du jeudi, je n’ai pas réussi à les captiver. L’atelier qui s’en est suivi, en revanche, les a enchantés ! La classe, divisée en trois groupes, devait produire chacun 11 images sur 11 feuilles de calque. Ces images, photographiées ensuite avec Stop Motion, deviendraient un très court film. Dans la joie et les rires, les élèves ont ainsi pu se rendre compte de la difficulté de l’exercice, et du temps que demande la réalisation d’un film d’animation de quelques minutes (les leurs ne dépassant pas sept secondes).

La matinée s’est achevée à l’auditorium pour la présentation du livre. Serge Maller, délégué général de l’AF a rapidement recontextualisé le projet et présenté les artistes (Kevin Cuadrado l’auteur et Maria del Carmen Herrera l’illustratrice) ainsi que La Souris Qui Raconte, au public venu nombreux. Deux conteurs, l’un équatorien et l’autre française, avaient pour mission de lire le conte. Seule la musique signée Alex Alevar, était activée. A tour de rôle, l’une et l’autre lisait une page dans sa langue, pendant que Lise défilait les images « back stage » ! Moment familial largement applaudi ! Quelques petits bugs (c’est aussi ça le direct !) ont permis aux conteurs d’improviser sur ces moments inattendus. « La tristesse de l’oiseau bleu » est désormais également disponible sur la Culturethèque, site des Instituts Français à l’étranger et partenaire de l’AF Quito sur le projet.
Il ne me reste qu’à lui souhaiter d’être lu et relu, en français ou en espagnol ou les deux à tour de rôle, et d’enchanter un maximum de lecteurs ! Merci à Lise et merci à Serge pour cette belle occasion qui m’a été donnée de les rencontrer d’abord, et de découvrir un petit bout de ce pays, niché au milieu des volcans à plus de 2800 mètres d’altitude.

 

 


« La tristesse de l’oiseau bleu », qui vient d’être mis en ligne sur notre site est un livre atypique dans la collection de La Souris Qui Raconte. A l’instar de « Le prénom de monde » c’est un livre de commande qui vient de fort loin. De plus il est écrit et lu dans deux versions de langues, français et espagnol.

Lise Goussot vous êtes responsable de la médiathèque de l’Alliance Française de Quito (AFQ) en Equateur, et vous m’avez sollicitée pour la production d’un livre interactif dont l’écriture, les illustrations et la très belle musique sont le fruit du travail d’artistes locaux. Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet.

L’album numérique de « La tristesse de l’oiseau bleu » est né suite à un appel à projet de l’Institut Français, qui cherche à valoriser, entre autres choses, l’usage des nouvelles technologies.
Nous venions de recevoir à l’AFQ Charlotte Gastaut pour une exposition sur ses illustrations et elle m’avait présenté son très beau livre en réalité augmentée (Copain ?, chez Albin Michel, coll. Histoires animées). Cela m’a donné envie de suivre cette piste, et allier le talent équatorien au savoir-faire français. Connaissant le travail de La Souris Qui Raconte, j’ai pris contact avec Françoise Prêtre, qui m’a très bien reçue et aidée dans l’étape de préparation de ce projet.
Nous avons alors lancé le concours sur nos réseaux, pour réaliser un album numérique bilingue français/espagnol, qui serait édité par LSQR et diffusé sur la Culturethèque (la médiathèque numérique du réseau français à l’étranger). Parmi les projets qui nous sont parvenus, deux ont particulièrement retenu notre attention de par les thématiques abordées et la qualité de l’illustration, mais c’est finalement « La tristeza del pajaro azul » qui l’a emporté, car il se prêtait davantage à l’animation.
Pour la musique, nous souhaitions aussi quelque chose dont la couleur corresponde au texte. L’auteur-compositeur équatorien Alex Alvear a eu la gentillesse de nous prêter sa musique dès que nous le lui avons demandé, ce dont nous le remercions grandement tant ses mélodies complètent l’univers de l’album.
À côté de ce projet, nous travaillons avec des classes de français sur l’album jeunesse et ses différents supports. Au final, les élèves équatoriens vont écrire en français et illustrer leur propre conte que nous mettrons aussi en ligne sur la Culturethèque. Ces travaux seront alors visibles dans le monde entier.

Comment les rôles se sont-ils répartis entre Institut Français (IF) et Alliance Française (AF) et pouvez-vous nous expliquer la différence entre l’un et l’autre ?

À la différence des IF qui dépendent de l’Etat, les AF sont des associations privées locales, à but non lucratif, et sont autofinancées. Mais nous accomplissons le même travail, à savoir la diffusion de la langue et de la culture française à l’étranger.
L’AFQ est à l’origine du concours auprès des auteurs/illustrateurs équatoriens. Une fois l’album sélectionné, nous l’avons traduit et nous avons fait le lien entre LSQR et Maria del Carmen Herrera (l’illustratice) pour toutes les demandes techniques de l’adaptation de l’illustration au format numérique.
Sur ce projet, le rôle de l’Institut Français concerne surtout le financement. Mais il ne se résume pas qu’à cela : sans la « Culturethèque », fournie et gérée par l’Institut Français, sur laquelle sera diffusé « La tristesse de l’oiseau bleu », ce projet n’aurait pas vu le jour.

Lorsque vous m’avez interrogée sur « La tristesse de l’oiseau bleu », ce n’est pas la demande qui m’a étonnée, mais de qui elle émanait. L’Équateur est un tout petit pays coincé entre la Colombie, le Pérou et l’océan Pacifique. L’Équateur, pays innovant sur les questions numériques ? Quelles raisons vous ont incités à éditer un livre numérique plutôt qu’un livre papier ?

À l’AFQ, le numérique est au cœur de notre action pédagogique (cours à distance) et culturelle (Culturethèque, « Novembre Numérique » spécialement consacré aux cultures numériques).
Quant à notre public, il est effectivement très friand de nouvelles technologies… et beaucoup moins de la lecture. Le format numérique rend les livres plus accessibles, moins « sacrés » et plus « modernes » et interactifs. J’espère que le travail mené avec nos jeunes élèves les incitera à s’ouvrir davantage à la lecture, quel que soit le support.

Pouvez-vous aussi nous préciser où en est le numérique en Amérique du Sud, quels éditeurs pour quels lecteurs ?

L’Equateur n’est malheureusement pas un pays de grands lecteurs. Les librairies se fournissent généralement auprès des éditeurs espagnols, argentins (qui ont une belle production en littérature jeunesse) et en Colombie. Même les auteurs équatoriens se font généralement publier à l’étranger. Cela me semble regrettable, car il y a ici beaucoup d’auteurs et illustrateurs de grand talent. Mais, mis à part quelques éditeurs indépendants, rares sont les maisons d’éditions locales qui mettent sur le marché des albums dont la qualité physique mette en valeur son contenu, et encore moins à des prix accessibles à toutes les bourses.

Pour terminer, je voulais remercier l’Alliance Française de Quito et plus particulièrement vous, Lise, pour avoir permis la réalisation de ce projet. Merci à l’auteur Kevin Cuadrado, à l’illustratrice Maria del Carmen Herrera et à Alex Alvear pour ses très belles musiques andines. Nous sommes bel et bien transportés aux portes de l’Amazonie !
Si l’histoire aborde des thèmes préoccupants pour l’écologie de l’Équateur, l’espoir que fait naître l’« enfant oiseau » en se mobilisant et en appelant à la solidarité nous invite vivement à le suivre.  

L’Equateur est un petit pays, certes, mais c’est un pays d’une grande richesse culturelle et naturelle : il est le plus grand réservoir au monde de biodiversité et il est important de le préserver. C’est une terre de contrastes, depuis les plus hauts plateaux andins semés de volcans aux Galápagos, en passant par ses plages chaudes et ses forêts humides !
Nous vous invitons à venir découvrir tout cela sur place.
Pour ma part, je souhaitais vous remercier, Françoise, pour votre aide et votre patience dans l’élaboration de ce projet.
Kevin Cuadrado et Maria del Carmen Herrera se joignent à moi pour remercier toute l’équipe de LSQR pour le travail accompli sur leur conte. 


Pour celles et ceux qui n’auraient pas reçu mes vœux via la #NewsLetter4 envoyée en décembre, je les leur présente dans ce billet. Santé, bonheur et de belles lectures à vous qui me lisez maintenant.

Cet article est le premier de l’année, alors que mes publications sur le blog faiblissent, ou plutôt l’envie de les partager ici diminue incontestablement. Il y a bien une raison, que je vous donnerai en son temps, mais pour le moment, place aux publications de l’année, avec un chouette programme et un chouette voyage (dont bien sûr je vous parlerai).

La tristesse de l'oiseau bleuLA TRISTESSE DE L’OISEAU BLEU
qui se traduit en espagnol par LA TRISTEZA DEL PARAJO AZUL est un livre bilingue commandé par l’Alliance Française de Quito (Équateur) dans le cadre d’une campagne pour la promotion de la lecture numérique. La publication de cet ouvrage (en HTML5 sur le site de La Souris Qui Raconte et en ePub3) donnera lieu à des rencontres en Équateur avec des étudiants en multimedia et des classes de CE1-CE2.
L’Amérique du Sud est sans conteste un continent fervent de lectures numériques. Pour preuve les abonnements à la ressource LSQR via Culturethèque au Brésil, Mexique ou Colombie…
Le texte, écrit à partir d’un conte d’Équateur, est signé Kevin Cuadrado, les illustrations sont de Maria del Carmen Herrera et les très belles musiques originales sont d’Alex Alvear.

Topait et Madina Topait et MadinaTOPITO ET MADINA
vous racontera une belle histoire d’amour entre deux êtres que les traditions (et les familles) opposent, mais qui se fichent pas mal des conformités. Le texte est écrit par Kouam Tawa, a qui l’on doit déjà le très beau « Mon garçon, ma fille ! » et les illustrations seront italiennes et signées Stefania Chieffi.

 

Est-ce vrai ?EST-CE VRAI ?
ou l’histoire de Fabule le serpent qui racontait des craques à tout bout de champ est signée Gaëtan Serra et illustrée par Fred Sochart. C’est lui qui a donné vie aux personnages africains de Kouam Tawa, dont je parle ci-dessus.

 

 

Un jardin contre l'oubliUN JARDIN CONTRE L’OUBLI
sera le quatrième livre de Céline Lavignette-Ammoun publié sur le site LSQR. Dans cette histoire poignante, Céline nous raconte un peu du Liban et comment ne pas oublier la guerre qui a divisé le pays pendant tant d’années. L’illustratrice, Francesca Carabelli est, elle aussi, italienne.

C’EST LE JEU sera une quatrième contribution de Séverine Vidal, un jeu à faire semblant, le temps d’oublier l’accident de « La reine du Monde ». Aux couleurs Pauline Comis.

Et pour finir l’année, un livre de Noël de Christophe Loupy. PETIT NOËL ET DEMI LOUP fera une petite entorse à ma ligne éditoriale puisque ce livre a connu une impression papier chez Magnard en 2006. Christophe en a récupéré les droits, et me le confie pour une quatrième participation. Quand on aime chez La Souris, c’est quatre fois ! Petit Noël et demi loup s’animeront sous les doigts experts d’Adeline Ruel.

Les six publications de cette année porteront le nombre total de livres numériques à 60… tout rond ! Et si certains, je les connais, trouvent que ce n’est pas assez, je leur dis que j’ai toujours préféré la qualité à la quantité, et que face à la surproduction du livre, j’essaie de bichonner les auteur(e)s et illustrateur(rice)s qui me font confiance. Bichonner, ça demande du temps… et de l’argent, c’est un choix que je défends, tant pis si je suis évincée par ceux qui ne le comprennent pas.
Et dans la rubrique papier/librairie, il y aura aussi la publication de deux livres qui sentiront l’encre avec mes inséparables co-éditrices de L’Apprimerie, ici… on en reparlera !


04 | 12
2018

Au Centre Pompidou se tenait hier, la 13e cérémonie du prix Handi-Livres, animée par Jean-Baptiste Bergès, rédacteur en chef à Vivre FM et présidée par Axel Kahn. Une édition à laquelle Loïc nous avait convié et qui fut particulièrement émouvante.

Qui n’a pas le cœur chamboulé à la vue d’une personne handicapée ou dépendante ? Nous ne naissons décidément pas tous égaux, et pourtant, lorsque l’on assiste à une réception comme celle d’hier, et que toute la lumière est faite sur ces personnes « différentes », c’est nous, valides, qui nous faisons humbles face à la force et la grandeur de ces personnes.

La Souris Qui Raconte avait par le passé, été conviée à cette cérémonie pour Louise ou la vraie vie, en lice dans la catégorie livre jeunesse enfant. Pour les prix 2018, nous avons appris, avec mes co-éditrices de L’Apprimerie pour la version papier du livre, que le jury nominait Ma rentrée colère dans cette catégorie. Malheureusement, à l’instar de Louise, Loïc ne l’a pas emporté, damé par Krol, le fou qui ne savait plus voler, paru à l’Ecole des Loisirs. Cela nous a toutefois donné l’occasion de passer une soirée inoubliable, ponctuée de moments fort émouvants.
Ainsi, deux interventions artistiques ont embarqué le public dans deux promenades poétiques. La compagnie de danse La Possible Échappée, un duo de danseurs handicapés et un trio théâtral. Et puis le clou, renversant, nous a été prodigué par Paul Samanos pour Le charme discret des petites roues qui s’est vu décerné la Mention Spéciale du Jury et qui nous a interprété a capella, une adaptation de la chanson de Gainsbourg « Le poinçonneur des Lilas », qui clôt son livre. Des p’tites roues, des p’tites roues, toujours des p’tites roues…


Dans quelques semaines Noël, la fête, les cadeaux, la joie ! Avec la publication de « Les Noëls de Trouquelune » un livre que j’ai demandé à Cathy Dutruch d’écrire pour La Souris Qui Raconte, nous allons nous réunir à l’abri d’une forêt dans laquelle toutes sortes d’animaux s’offrent un cadeau, bien sûr (c’est Noël tout de même), et… un beau mot !

 

Catherine, lorsque je t’ai passé commande de cet ouvrage, je t’ai précisé que je voulais parler de Noël autrement. Tu as très vite pigé, pas de bling bling, pas de consumérisme, mais des valeurs de partage, jusque dans les choses les plus simples. S’il te plaît, parle-nous de « Trouquelune » et de cette idée simple et tellement essentielle de Noël.

Trouquelune, c’est un endroit que je connais. Il est en moi, en nous, et surtout ici, là où je vis. C’est aussi un mot inventé par mon arrière grand-père, il appelait ma mère comme ça, c’était un mot pour la tendresse, pour les enfants. Trouquelune, viens par là, Trouquelune c’est l’enfant en nous. Les mots doux, la tendresse, le vrai.

Nous en sommes à notre 5collaboration ce qui n’est pas rien ! Comment choisis-tu les éditeurs avec lesquels tu travailles ?

Je ne travaille plus qu’avec toi ! Hahahaha !
Et j’attends aussi de rencontrer un éditeur, pas jeunesse, pour un roman en cours.

Tu nous raconteras cela pour notre 6collaboration (Huhuhu).
Chaque titre publié chez La Souris Qui Raconte a son propre univers graphique, si je te demandais un seul mot qualifiant l’univers de chacun des tiens, le trouverais-tu ?

Ogre doux (Juliette Lancien) : Surréaliste
La petite musique du monde (Farah Allègue) : Liberté
Pour tout l’or du monde (Juliette Lancien) : Puissance
Le prénom du monde (Claire Fauché) : Amour
Les Noëls de Trouquelune (Giovanna Gazzi) : Nature

En listant ces titres, le MONDE y est très représenté, un hasard ou autre chose ?

J’ai en effet pensé la même chose… un hasard, certes pas ! Je pense être obsédée par l’envie de changer le monde.

Et bien, il y a du boulot alors !
Au-delà de tes créations littéraires et poétiques tu aimes chiner des bouts de rien que tu assembles et qui te ressemblent. Ensuite tu partages tes trouvailles, et celles des autres, dans ton « Musée du Bleu ». Et si tu nous en parlais de ce beau projet !

Le Musée du Bleu a ouvert ses portes à Trouquelune l’an dernier. Au début, c’était juste un rêve, ouvrir mon atelier d’artiste, montrer mes collections… Et c’est vite devenu une galerie, un musée vivant dans lequel tous les passionnés de bleu viennent se ressourcer, admirer des créations, tableaux, objets, chiner des idées. Nous sommes également une association qui propose la plus petite librairie du monde. Il y a des livres anciens, rares, littérature jeunesse aussi, il y a également une gratuiterie, on nous donne, on donne. Nous organisons de nombreux ateliers, manifestations, fêtes. Nous proposons des jours d’expo aux artistes, etc… Nous ouvrons la maison et le jardin aux visiteurs.
Ceci dit, ça a l’air fabuleux comme ça, mais c’est très difficile. Beaucoup de gens sont adorables, mais pas tous. C’est une initiative privée et nous devons nous accrocher. J’ai mille remarques méchantes ou jalouses qui me renvoient vite les pieds au cul sur terre. Je ne sais pas du tout si j’aurai l’endurance de poursuivre des années. Ce sont les gens qui entrent au Musée du Bleu avec l’esprit Musée du bleu, poètes et artistes qui m’aident à tenir le coup. Pas facile tous les jours, oui ! Un artiste ça doit manger aussi. Les gens ne comprennent pas toujours pourquoi on doit vendre, même une petite carte postale… Et souvent, je les donne !

Une dernière question. Qui tient en un seul mot, ton mot cadeau ?

Cadeau, c’est gratuit. Alors GRATUIT.

Pour toi Giovanna, « Les Noëls de Trouquelune » est ta 2participation au catalogue LSQR. Après l’excellent « Le drôle de chat qui mord » (allez vite voir, il est très beau —aussi—), tu as donné vie au bestiaire de Cathy, quel animal a ta préférence ?

Le renard… de toutes les façons le petit renard roussit (ou rougit) toujours, c’est peut-être pour ça que je l’ai mis un peu partout. Et tout de suite après, la martre, parce qu’elle est très photogénique, et enfin les lièvres… parce que, à deux, le jeu est plus amusant et intéressant.

Comment as-tu travaillé sur cet ouvrage de la collection « à jouer » alors que « Le drôle de chat qui mord » appartient à la collection « à lire » ?

J’ai senti une différence non pas dans la quantité ou dans la qualité des mouvements… mais plutôt dans le rythme des textes. Le livre « à lire » a demandé d’aller plus à l’essentiel. Il se passe beaucoup de temps entre une action et l’autre. Les choses se transforment lentement… c’est le temps qui guérit le cœur. Dans ce cas précis les mouvements se devaient d’être plus délicats et les animations plus lentes, au rythme du récit.
En lisant le texte de Trouquelune, j’ai constaté que c’est justement le rythme du récit qui suggère d’ajouter du mouvement et des interactions. Tout arrive pendant la nuit de Noël et quelques jours avant, et les préparatifs sont joyeux et frénétiques. L’interaction est nécessaire pour augmenter l’effervescence de ce moment unique ! Je crois que c’est nous (moi et aussi Catherine ! sans nous connaître) qui y avons joué en premier lorsque nous l’avons créé.

Tes story-boards sont très clairs et ont beaucoup aidé les animateur et développeur (qui font un travail merveilleux ET respectueux —merci vous deux—). Ta formation y est-elle pour quelque chose, et le précédent ouvrage t’a-t-il aidé ?

Quand j’ai fréquenté l’Académie des Beaux Arts, mon prof d’anatomie artistique était un illustrateur de profession et il nous expliquait souvent que l’anatomie ne pouvait se rapporter qu’au seul corps humain, mais concernait n’importe quel objet ou sujet que nous avions devant nous, et cela devait conduire à une sorte de style, une éducation du regard sur toutes les choses. De ce fait le livre aussi a une anatomie. Idem pour la narration, le récit. Il est nécessaire d’en redessiner la structure.
Le drôle de chat qui mord a representé dans ce contexte un excellent entraînement, étant donné que j’ai poussé le raisonnement sur la nécessité de m’expliquer en français…

A l’occasion de notre première rencontre ici, tu parlais de tes projets. Où en es-tu, presque deux ans après ?

Je suis allé immédiatement relire mes projets d’il y a deux ans. Quelque chose s’est passé, quelque chose a grandi et quelque chose doit encore arriver. Pour être précise : ma petite héroïne des aventures est effectivement devenue un livre qui a pour titre Un an avec Emma, alors même que je n’enseigne plus au collège mais en lycée artistique. Je peins des fresques et ça me plaît beaucoup. Pour les deux années qui viennent je ne voudrais, ça me plairait, ce serait fantastique – un véritable rêve – vivre que de murs et de livres.

Et enfin, à toi aussi je vais te demander ton mot, ton mot cadeau ?

ORCHESTRA

Le mien sera tout simplement MERCI !
MERCI à tous ceux qui ont participé à la création de ce livre, et me permettent de publier des œuvres 
exigeantes.