« Léon et le géant » est enfin sorti ! Mais les géants, tout le monde le sait, ne courent pas vite sans leurs bottes de 7 lieues… Cécile Givernet en est l’auteure, et Vincent Munsch (avec lequel elle partage plus qu’un Léon) en a composé la musique. Une première chez La Souris Qui Raconte. Les images sont signées Julie de Terssac. La voix est celle de Thierry Ragueneau.

Leon_00006La sortie initiale de « Léon et le géant » prévue le 7 avril dernier a connu un petit retard de mise en ligne et je m’en excuse ici encore. Le livre, de la collection à jouer, développé en HTML5 (le 4e maintenant), a donné du fil à retordre à Pierre Canthelou notre développeur en titre — pas si facile le HTML5, hein Pierre !?
Ma première question à tous les deux, quels regards et impressions à la découverte du BAT numérique* ?
Cécile : avant même la découverte du BAT, pour moi la découverte du premier visuel a été très touchante. Le fait que tout à coup ce que l’on a en tête se concrétise… Même si je n’avais pas de vision précise en termes d’illustrations, j’avais beaucoup apprécié ce que j’avais vu du travail de Julie et j’étais impatiente qu’elle s’empare de cette histoire. Et ensuite le voir combiné au travail de conte, d’animation, de mise en son… C’était la cerise sur le gâteau !
Vincent : je me suis dit wahou ! Il y a quelque chose de magique, de poétique… Et j’ai été fier d’y avoir participé, je l’avoue. Je suis toujours fasciné de voir une création émerger de nulle part, que des individus qui ne se connaissent pas arrivent à collaborer pour créer in fine un objet unique, original mais surtout homogène. Le producteur (l’éditeur) n’y est d’ailleurs pas pour rien dans cet unisson.

1-3 anim
© Julie de Terssac donne ses directives d’animation et d’interaction

« Léon et le géant » aborde le thème de la séparation et du temps qui passe. Ce temps qui peut être long lorsque l’on est enfant et loin de sa maman. Cécile, comment sont nés Léon et Letan ?
Cécile : j’écris depuis plusieurs années mais de manière dilettante. L’écriture est une activité assez solitaire et ces moments-là sont rares dans ma vie ! Léon est né à une période où j’étais moi-même loin de ma famille pour des raisons professionnelles. La trame est venue assez vite. Ensuite je l’ai laissée mûrir un peu au fond d’un tiroir pour le reprendre et en peaufiner le style. J’avais envie de systématiser un peu le jeu des rimes, comme peut le faire mon fils de 5 ans !

Les abonnés à La Souris Qui Raconte te connaissent déjà comme voix sur des textes d’auteurs. Je pense notamment à l’émouvant « Conte du haut de mon crâne » de Séverine Vidal ou encore à « Pour tout l’or du monde » de Cathy Dutruch, mais tu as prêté ta voix à onze histoires (fidèle parmi les fidèles) et c’est ta première participation au catalogue en tant qu’auteur. Comment passe-t-on de la narration à l’écriture ?
Cécile : j’exerce un métier dans lequel on est souvent amené à porter plusieurs casquettes. Pour ma part je suis comédienne mais aussi conteuse, metteuse en scène, auteure, marionnettiste, pédagogue… Si les médiums changent, je m’aperçois que ce qui compte avant tout c’est l’envie de raconter des histoires. Alors selon ce que l’histoire raconte, j’ai l’habitude, de par mon métier, de m’emparer de l’outil le plus approprié pour « dire ». Mais pour ce qui est de la narration, je trouve que l’on a une certaine responsabilité dans notre manière de conter et j’espère à chaque fois avoir été au plus près de l’intention de l’auteur.

Tu fais bien de parler de cette intention vis à vis de l’auteur ! Ce n’est pas toi la narratrice de ton propre récit, mon choix s’est porté sur une autre voix. Que penses-tu de l’interprétation de Thierry ?
Cécile : je me suis rendue compte qu’on a réellement sa propre musique lorsque l’on écrit et cela demande un peu d’effort d’en sortir en écoutant quelqu’un d’autre dire ses mots ! Une fois cet effort consenti c’est un vrai régal… J’ai adoré l’interprétation faite par Thierry de Letan et le rythme qu’il a injecté dans le texte.

Lorsque tu m’as proposé ton texte, Vincent était présent et nous avons eu l’idée un peu folle (et inédite) de lui faire composer la musique. Comment cela se passait « à la maison » ? Entendais-tu des choses ? Vincent t’a-t-il impliqué dans sa création ?
Cécile : comme pour la plupart de ses créations, Vincent tâtonne d’abord à son ordinateur. Quand je suis là je tends l’oreille bien sûr, et pointe discrètement ce que je trouve intéressant ! Mais souvent il m’invite à lui donner son avis, plus tard, quand le squelette est bien avancé. Nous avons l’habitude de travailler ainsi et avons besoin de ce regard extérieur. Enfin là pour le coup, d’une oreille !

Et toi Vincent, avais-tu envie de partager ou préférais-tu avancer « secrètement » et ne dévoiler le fruit de ton travail qu’une fois abouti ?
Vincent : j’ai l’habitude de partager mes réflexions et mes recherches avec Cécile. Je lui demande très souvent son avis,même si je suis bien embêté si elle me dit que ça ne va pas ! Mais quand on a la tête dans le guidon c’est bien d’avoir une oreille fraîche qui amène un peu de recul. Cécile est exigeante, et parfois de manière inattendue elle passe dernière moi et me dit « c’est bien, ça tu devrais creuser ».

Peux-tu nous raconter un peu comment tu as imaginé les différents thèmes musicaux de Léon ? Quelles ont été tes inspirations, dans quels sens tu voulais aller ou au contraire ce que tu voulais éviter ?
Vincent : initialement, je voulais une bande-son basée sur des sons naturels et non des instruments de musique. Mais cela s’est avéré laborieux car limité au niveau harmonique et cela venait en conflit avec la voix. Ensuite j’ai imaginé  des musiques créant un contraste entre la douceur de la mère et la force du géant. Je ne voulais pas forcément opter pour une musique enfantine. La difficulté de ce genre d’exercice, est de créer une musique qui soit intéressante et accrocheuse mais qui ne prenne pas le pas sur le narrateur. Elle doit raconter des choses mais ne pas être trop illustrative.  Pour trouver les thèmes en général je joue d’un instrument jusqu’à trouver une mélodie qui me plaît. Il ne reste alors plus qu’à tirer le fil pour écrire le morceau. Mais quand je travaille je remets souvent beaucoup les choses en question, abandonne des idées, y reviens… Je doute beaucoup. Les visuels de Julie ont enfin été une source d’inspiration importante. Sans eux, je pense que la musique aurait été tout autre.

Vous avez également eu avec Michel (ingénieur du son LSQR, pour ceux qui ne suivent vraiment, mais vraiment pas !) des séances de travail, peux-tu nous en toucher quelques mots.
Vincent : c’est très agréable de travailler avec quelqu’un du métier car nous pouvons jargonner librement ! On peut faire les geeks du son. Au-delà de ça l’oreille affûtée de Michel pointait souvent des choses pertinentes contre lesquelles je ne pouvais pas lutter. Nous avons pu travailler assez finement sur la sonorité d’un instrument, l’équilibre général. Mais quand deux amoureux du son se réunissent, ils doivent aussi savoir lâcher prise car le travail est sans fin. Son expérience et sa bienveillance se sont avérées précieuses pour la finalisation du projet.

Une autre expérience commune : vous êtes tous les deux issus du milieu du spectacle. Nous avons eu le grand plaisir, Michel et moi, de venir voir la représentation de « Médée la petite » au Temps des Cerises. Comment s’est faite cette création ?
Cécile : là aussi c’est un travail de maillage des compétences et désirs de chacun. Nous avons reçu un bel accueil du spectacle et nous en réjouissons. À la fois complémentaires et sans concession l’un vis à vis de l’autre, c’est ce qui permet je crois d’avancer. N’est-ce pas, petite souris qui raconte ?!

Un grand merci à vous deux, à Julie aussi pour ses très belles illustrations, à Thierry pour son interprétation et à Prakash et Pierre pour avoir animé et développé ce très beau livre. L’aventure de La Souris Qui raconte conjugue les talents et je m’en émerveille à chaque fois !

*Un BAT numérique, c’est comme un BAT papier (Bon à Tirer) sauf que c’est numérique. Les auteurs et illustrateurs valident l’épreuve avant sa sortie, tout comme ils le font avec un livre papier.


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *