La complicité entre les deux autrices de ce nouvel album numérique m’est apparue immédiatement. Et si d’ordinaire, une illustratrice (ou illustrateur) travaille « seul(e) » sur le texte qui lui est confié, la connivence entre Laëtitia Peyre (au texte et à la voix) et Anaïs Vielfaure aux images, a été grandissant tout au long de l’élaboration du rendu final, animé et interactif.
Le livre numérique « Petits chagrins et grands copains » regroupe trois histoires très courtes pour les plus jeunes des lecteurs de La Souris Qui Raconte. Il devait initialement porter le titre général de « Histoires à doigts ».
Laëtitia, parlez-nous de ces « Histoires à doigts » et de votre approche contée de ce projet.
Laëtitia : J’ai découvert les Histoires à doigts (ou « jeux de doigts » comme on les appelle également) au détour d’une formation à l’art de conter animée par Ralph Nataf et j’ai tout de suite adoré ça ! Raconter des histoires avec la voix seule était pour moi très intimidant mais ajouter la chorégraphie des mains et détourner en quelque sorte, le regard du public était d’un seul coup, beaucoup plus confortable ! La toute première « Histoires à doigts » que j’ai créée, c’est celle de Léo le Lion (Casse-tête et bouclettes). Mais je ne l’aurais peut-être jamais fait si une amie ne m’avait pas sollicitée pour l’anniversaire de son fils… Léo !
C’est formidable lorsque votre entourage voit en vous des capacités que vous ne soupçonniez pas vous-même…
Quelles différences majeures existent entre les « Histoires à doigts » et « Petits chagrins et grands copains » ?
Laëtitia : Quand Anaïs m’a envoyé les illustrations de Léo, je n’en suis pas revenue ! C’est vraiment comme si elle avait donné corps à ce lion que je ne me représentais pas moi-même. Et pourtant, c’était bien lui, à n’en pas douter ! Après, c’est au niveau de la narration que c’est très différent et aussi surprenant pour moi. Quand je raconte les mésaventures du lion, du lapin ou de la coccinelle, un geste est associé à chaque phrase, il apporte son rythme et découpe le texte. Je peux mettre un silence parce qu’il se passe quelque chose sur mon visage par exemple. Mais dans la version animée et interactive, ce sont les illustrations d’Anaïs qui cohabitent avec ma voix ! Lors de l’enregistrement, j’ai donc pu m’amuser à donner d’autres interprétations, d’autres couleurs et l’habillage sonore ajoute encore une toute autre dimension aux histoires…
Anaïs, pouvez-vous nous expliquer votre rencontre avec Laëtitia, ainsi que votre démarche créative pour la conception de « Un pois c’est tout », « Toc, toc et hop! » et « Casse-tête et bouclettes »
Anaïs : J’ai rencontré Laëtitia lors d’une soirée pour les intervenants du concept store Happy Families. Je crois me souvenir que nous cherchions toutes les deux à boire, quelque chose de pétillant… la soirée a filé et nous avons échangé nos cartes. J’ai tout de suite été bluffée par ses créations d’« Histoires à doigts », je trouvais l’idée originale, avec plein de potentiel. Cela faisait aussi très longtemps que je recherchais un/une auteur(e) pour travailler sur des projets. J’ai proposé à Laëtitia d’illustrer ses projets. On avait de très belles histoires et toutes les deux plein d’idées.
La démarche créative de la collection a toujours été de travailler images et texte ensemble.
Pour chaque histoire, j’ai proposé à Laëtitia un univers graphique qui devait marcher par coup de cœur. Son avis était donc très important au moment des premiers dessins. J’ai pris mon inspiration, directement à la source, quand Laëtitia me les racontait en live. Je l’ai fait répéter plusieurs fois ! Quand nous étions toutes les deux d’accord, on pouvait alors les présenter. Un travail en duo. Nous avons d’ailleurs créé une page Facebook et Instagram pour nous présenter. Clémentine et Marguerite. Laëtitia est Clémentine, je suis Marguerite.
Les trois histoires sont très différentes, pourquoi ces partis pris d’univers graphiques si éloignés ?
Anaïs : Les textes de Laëtitia m’inspirent des choses très différentes et chacune de ses histoires mérite un univers unique. J’aime aussi l’idée des exercices de style (Raymond Queneau) qui me permettent de ne pas m’enfermer dans un seul. Pour la collection, l’objectif était de créer quelque chose de dynamique et une palette. Il fallait que les univers se complètent, tout en racontant des choses différentes.
Comment avez-vous, ensemble, élaboré le projet et pensez-vous qu’il eut été différent si vous n’aviez pas eu cette grande complicité ?
Laëtitia : Des allers-retours oui, beaucoup ! Des idées qui rebondissent les unes sur les autres et en créent de nouvelles… Des doutes, des changements de direction… Des rires ! Surtout beaucoup de rires ! A dire vrai, je ne vois pas comment nous aurions pu faire différemment !
Anaïs : Nous avons travaillé le projet par étapes, avec des brainstormings pour développer les idées d’animation en aller-retour, et en travaillant le sens des images par rapport aux mouvements. Je crois que le forfait de téléphone de Laëtitia a beaucoup beaucoup chauffé, car par moment, la ligne coupait. « On devait être sur écoute », c’est ce qu’on se disait alors en reprenant la conversation de plus belle.
Illustrer le travail d’un auteur que l’on ne connait pas, n’a rien à voir, d’autant plus quand ils ne sont pas des amis. C’est un tout autre travail, moins gai et beaucoup plus hésitant. Travailler en duo, c’est avoir confiance en l’autre et savoir aussi que l’on peut compter sur lui quand on a des doutes. Un duo !
Racontez-nous également comment, toujours ensemble, vous avez reçu la première histoire animée et interactive, « Casse-tête et bouclettes », qui n’étaient plus les fichiers Illustrator indépendants les uns des autres.
Laëtitia : C’était déjà fou d’avoir des images sur mes mots mais de voir ces images bouger, cela relevait carrément de la magie ! L’ambiance sonore aussi à laquelle je suis particulièrement sensible m’a émerveillée : c’était, en quelques clics, la jungle au milieu de mon salon ! J’ai parcouru l’ensemble très vite puis je me suis ruée sur mon téléphone pour appeler Anaïs ! Je me souviens qu’elle était très émue d’entendre mon émotion. Je n’ai ensuite eu qu’une hâte, faire découvrir cette première histoire animée à Arthur, mon petit garçon…
Anaïs : Nous avions prévu avec Laëtitia, de nous appeler ce jour-là….Timing parfait pour échanger en direct ! Se projeter d’un dessin fixe à sa version animée, c’est très excitant. On invente des personnages, on réfléchit à des animations, mais tant que le tout n’est pas orchestré, on n’est jamais sûre du résultat. C’est un long travail que nous étions toutes les deux très contentes de voir aboutir. J’espère que nous aurons l’occasion de rencontrer nos futurs petits lecteurs, pour qu’ils nous expriment leurs idées et avis pour chaque histoire. C’est toujours un moment délicieux, c’est là que le fruit du travail se voit le plus. Quand leurs visages s’illuminent et qu’ils s’expriment. Avec les enfants, jamais de triche.
Il ne me reste plus qu’à vous remercier l’une et l’autre pour cette nouvelle participation, et la confiance que vous-mêmes m’avez accordée.
Le temps des vacances approche, alors surtout lectrices et lecteurs, petits et grands, ne cessez jamais de lire… Excellentes vacances et à vous retrouver en septembre pour de nouvelles aventures littéraires avant d’être numériques.