Avec la rentrée scolaire, qui finalement ne date pas d’un mois, j’ai eu quelques demandes étonnantes que je souhaite partager avec vous. L’une d’entre elle nous emmène au Canada, à High River Alberta.
En novembre 2016 déjà, Lesley Doell, facilitatrice et accompagnatrice pédagogique de l’immersion française au Conseil Scolaire de Foothills et Présidente de l’Association Canadienne des Professeurs d’Immersion (l’ACPI), m’avait sollicitée pour tester la collection de livres numériques de La Souris Qui Raconte dans une école. Merrillee Reboullet avait repéré le site LSQR de ce côté-ci de l’Atlantique (Ah, l’enchantement de l’internet…) !
Sans vraiment trouver d’entrée commune, nos échanges s’étaient espacés, pour finalement se terminer en silence.
En ce début d’année, Merrillee Reboullet est revenue vers moi afin de reprendre la discussion là où nous l’avions laissée avec Lesley, et après quelques atermoiements, nous nous sommes mises d’accord sur la formule qui convient le mieux aux deux parties. Les 27 élèves de la classe de Merrillee vont ainsi s’exercer à la langue française avec les livres de La Souris Qui Raconte pendant toute l’année scolaire 2017-18, et en échange Merrillee s’est engagée à me faire un retour d’utilisation. Une pratique qui me manque cruellement et que je serai heureuse de relater ici.
Mais avant ces trois prochains rendez-vous, je voulais faire un peu plus connaissance avec Merrillee que je remercie pour ses très jolies réponses.
Merrillee pouvez-vous nous faire une présentation rapide de votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à enseigner en anglais en 2003 dans une petite école au fin fond de la prairie de l’Alberta. Je suis restée dans la région pendant six ans avant de déménager en France. Après y avoir séjourné quatre ans pendant lesquels j’ai enseigné des cours d’anglais à divers étudiants, je suis retournée au Canada, cette fois pour enseigner dans le programme d’immersion française à High River où je me retrouve actuellement.
Comment avez-vous découvert le site de La Souris Qui Raconte, et surtout pourquoi l’avez-vous cherché ?
Je suis toujours à la recherche de ressources qui vont rendre l’apprentissage du français attirant voire ludique pour mes élèves. Puisque mes élèves vivent dans un contexte anglophone, ils n’entendent pas le français parlé dans la rue autour d’eux. C’est uniquement à l’école qu’ils vont apprendre le vocabulaire, la prononciation et la structure de la langue française. C’est une responsabilité que je préfère partager avec les interlocuteurs natifs autant que possible au moyen de vidéos, émissions éducatives et les livres lus à voix haute entre autres, afin de les sensibiliser le plus possible aux accents français divers et authentiques. Je veux également les exposer aux différents styles de littérature pour leur donner le goût de lire par plaisir en français. Je suis tombée sur La Souris Qui Raconte l’année dernière en faisant une recherche internet autour des livres audio et contes lus à voix haute. J’étais ravie de découvrir non seulement les histoires de LSQR lues d’une façon attrayante, mais aussi les petites animations inattendues qui surprennent les enfants et gardent leur attention tout au long du récit. Effectivement c’est réellement « la souris qui raconte », car c’est en glissant la souris de l’ordinateur sur les personnages ou décorations de la page que les informations supplémentaires ou cachées sont dévoilées ! Mes élèves l’adorent !
Pouvez-vous nous parler de votre école, et plus particulièrement de la classe concernée par cette expérience ? Quel âge ont les élèves, quel est leur niveau en Français ?
Notre école a deux voies d’enseignement : l’anglais et l’immersion française. Mes élèves suivent un parcours d’immersion précoce où la plupart d’entre eux commencent à apprendre le français en maternelle ou même pré-maternelle, selon la disponibilité du programme. Quand ils arrivent dans ma classe en 4e année (CM1 chez vous), ils auront eu au moins quatre, voire cinq ans de scolarité en français auparavant. Mes élèves peuvent tenir une conversation prolongée en français, comprendre un message oral assez complexe et normalement quand ils partent pour la sixième année ils lisent les nouvelles ou les romans jeunesse avec une certaine aisance. Bien entendu, ils ne sont pas au même niveau que les francophones du même âge, mais je suis toujours étonnée de constater ce qu’ils peuvent faire avec un français seulement appris et pratiqué pendant les heures de classe.
Pourquoi avez-vous tellement souhaité conclure cet arrangement « donnant-donnant » ?
J’ai plusieurs raisons pour aimer cette formule. Même si au début c’était une limitation de fonds qui me freinait un peu dans l’accès à ces livres, j’étais attirée plus encore par l’élément de partage qui m’a été proposé.
Premièrement, je suis ravie de pouvoir présenter cette collection à mes élèves. Non seulement ce sont les livres présentés d’une façon créatrice et engageante, mais ce ne sont pas les mêmes histoires que nous avons dans d’autres collections numériques.
Deuxièmement, j’aime l’idée de faire les revues de livres avec mes élèves. Dans mon enseignement je cherche à être transparente avec mes étudiants. Nous discutons souvent et longuement de pourquoi nous étudions une certaine matière ou un sujet particulier. Nous nous demandons ensemble comment une idée apprise à l’école pourrait nous servir dans « la vraie vie ». Et c’est précisément cette année où j’ai décidé de convaincre mes élèves que même si cela semblait un peu plus difficile de lire en français plutôt qu’en anglais, il y a finalement beaucoup de plaisir dans la lecture en français ! C’est un atout de pouvoir lire les auteurs francophones dans leur langue natale. Je voulais les inviter dans l’espace de « lecteur pour la vie » où on discute les livres que l’on a lu, où on donne ses avis, ses coups de cœur, ses recommandations. Ces occasions d’échange « entre lecteurs » sont certainement présentes dans un cours de français. Cependant, si je parviens à faire « sortir » mes élèves des murs de l’école si isolants pour participer à la vraie vie, d’avoir une audience plus élargie, avec des vrais gens qui parlent français, c’est à ne pas manquer ! C’est donc, le moment propice pour notre classe de participer à un tel arrangement.
Ensuite, c’est aussi un excellent moyen de modeler devant mes élèves le processus d’écriture. En écrivant des parties de mes rédactions devant eux et en sollicitant leurs réactions, leurs idées et leurs mots, je leur montre ce que c’est de chercher le juste mot pour s’exprimer, de reprendre une phrase, car elle manque de fluidité ou parce que sa tournure n’est pas aussi jolie qu’elle pourrait être. D’expérimenter ce que c’est d’avoir ses propres idées critiquées ou éditées. De savoir que tout cela et bien plus encore, c’est ÇA être écrivain. Comment puis-je en tant que professeur dédiée à ma profession, rater une opportunité pareille ?!
Finalement, j’aime écrire et encore plus en français. Je n’ai pas autant d’occasions que je voudrais pour raffiner mon expression écrite et je cherche toujours les moyens de rehausser mon français pour une utilisation professionnelle, mais aussi personnelle. J’aime avoir les défis devant moi. Pourquoi rester là où je suis quand je pourrais réaliser encore plus ?!
Qu’en attendez-vous ?
Je ne sais pas encore et c’est peut-être cela le plus beau. Mes élèves ont tendance à me surprendre par leurs capacités ! Et j’ai tendance à leur présenter un projet et voir où ça nous amène, tout en soufflant dans la voile un petit peu pour diriger le bateau. J’attends donc d’être surprise et laisser la créativité nous réveiller.
Savez-vous déjà comment vous utiliserez la ressource, dans quel environnement de travail, en groupe, individuellement, etc… ?
J’ai plusieurs idées. Le logiciel est très bien adapté à la lecture en grand groupe avec un écran interactif. Surtout pour mes plus jeunes, la lecture partagée est idéale au début de l’année, car ils n’ont pas forcement de stratégie efficace en place pour traiter le nouveau vocabulaire dans un texte. Les effets sonores, la lecture à voix haute et les animations tiennent l’attention des élèves, surtout si plusieurs élèves peuvent participer à naviguer dans l’interface de l’histoire. Mes élèves ont les journaux visuels dans lesquels ils répondent aux informations diverses tout au long de l’année. C’est une approche qui mélange les techniques artistiques avec l’expression écrite pour montrer leur compréhension d’un sujet. L’année dernière nous y avons créé une page pour répondre au récit « L’ogresse » qui mélangeait les médias de peinture, la laine et le papier journal avec l’écriture pour représenter les leçons apprises par les élèves à travers les choix d’Occidiane. Plusieurs de mes élèves ont cité cette page comme page préférée de leur journal visuel pour toute l’année. Je suis certaine que nous allons employer nos habilités créatives dans nos journaux visuels pour répondre à plusieurs récits.
L’élément auditif des histoires de LSQR rend la présentation très utile pour l’utilisation en petit groupe ou individuellement également. Ainsi ils peuvent travailler l’écoute, l’amélioration de la prononciation et l’agrandissement du vocabulaire. Les élèves qui peut-être ne pourraient pas comprendre tout le récit s’ils le lisaient eux-mêmes, auront plus de succès en écoutant, car ils activent deux domaines langagiers (la compréhension écrite et la compréhension orale). L’élément oral devrait donner accès à la variété de niveaux de lecture que j’ai dans ma salle de classe, ce que je vais apprécier énormément.