Cette journée professionnelle du réseau du livre, organisée par le département de la Seine-Saint-Denis et Le Motif, s’est tenue le 19 septembre dernier à l’espace d’Anglemont aux Lilas. L’idée générale de la journée, informer et questionner autour des problématiques numériques en bibliothèque. Vaste programme au vu des nombreuses réactions !

Je ne m’attarderai pas trop sur la matinée, fort intéressante au demeurant, mais plus éloignée des préoccupations propres à La Souris Qui Raconte.
Après le discours d’ouverture, partagé entre Emmanuel Constant (Vice-Président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis chargé de la Culture) et Serge Guérin (Président du Motif et conseiller régional d’Île-de-France), nous avons écouté la restitution de l’expérimentation des prêts de liseuses et tablettes en Seine-Saint-Denis. Une restitution, dont les résultats mitigés, montrent à quel point la route est encore longue. Ensuite, la présentation de la Medi@tic, plateforme pour les bibliothèques de Plaine Commune, a fait mouche auprès de l’auditoire. Véritable apologie de CVS, fournisseur officiel de la plateforme et, au passage, diffuseur de l’offre à distance de La Souris Qui Raconte pour l’édition numérique jeunesse en bibliothèque, la démonstration qui mettait l’accent sur la simplicité d’usage et de mise en œuvre a largement séduit. Inutile de dire que je buvais du petit lait et je n’ai pu m’empêcher de savourer le succès de la démonstration ! Parce que CVS se met au service du client (en l’occurrence la bibliothèque) et apporte un service clé en main, qui, forcément, séduit. Cette question de simplicité d’utilisation ou d’offres clé en main reviendra comme un leitmotiv pendant toute la journée. Puis s’est glissé dans le déroulement de cette matinée, entendez par là que son intervention n’était pas clairement annoncée dans le programme, une autre présentation de bibliothèque, celle d’Aulnay-sous-Bois (une des expérimentatrices de prêt de liseuses). Le responsable de la médiation numérique, nous a rendu compte de l’expérience en nous présentant une « Madame Michu »  bien désemparée face à toute cette technologie. Les adhérents des bibliothèques sont encore, pour la grande majorité, de parfaits néophytes. Et leurs demandes, au-delà de l’intérêt de la découverte, portent essentiellement sur des questions techniques. On est donc très loin du classique emprunt du livre, objet remarquablement simple et rassurant s’il en fut, et qui, ô indicible bonheur, ne nécessite aucune explication de prise en main !
Enfin, Sylvie Vassalo (Directrice du Centre de Promotion du Livre Jeunesse) a clôturé la matinée. En revenant, avec une certaine maestria (la clé USB qui devait lui servir de support refusant obstinément de restituer ses données), sur les expérimentations numériques du SLPJ, à savoir la tablette XXL et la Biblio-connection (ou comment explorer d’autres manières de lire), Sylvie Vassalo nous a présenté a capela  les deux expérimentations en cours.

© SLPJ - Tablette XXL
© SLPJ – Tablette XXL

Et puis, c’est la pause déjeuner. Nous nous retrouvons un petit groupe, majoritairement des bibliothécaires (évidemment) autour de japonaiseries et alors que je déguste ma brochette de thon grillé, je ne peux m’empêcher de revenir sur un point évoqué à plusieurs reprises durant la matinée. La question du chargement des « device » en ressources ! Une ressource pour 5 « device » ! Ça a été dit, redit, qui par Le Motif, qui par un bibliothécaire, qui par un éditeur (l’après-midi). Alors que je m’étonne et ne peux m’empêcher de rappeler que cette option proposée par Apple et consort est exclusivement à vocation privée pour une utilisation familiale, les personnes attablées avec moi (des bibliothécaires pour ceux qui ne suivent pas) abondent dans mon sens. Le débat est ouvert, et les échanges vont bon train. Le commentaire le plus sain que j’ai entendu est celui d’une bibliothécaire du réseau des bibliothèques parisiennes, qui faisait valoir le rôle essentiel de la bibliothèque dans sa mission d’exemplarité face à l’émergence de cette nouvelle économie.

Les échanges reprennent à l’heure, 13 heures 30, avec sur le plateau François Rouyer Gayette (CNL), Stéphane Michalon (ePagine), Philippe Touron (librairie Le Divan), Sophie Perrusson (CAREL) et Florent Souillot (Flammarion), appelé au pied levé semble-t-il pour remplacer Vincent Marty (Dilicom). Le sujet : le projet PNB (Prêt Numérique en bibliothèque). L’énoncé du dit sujet est assez obscur, et les protagonistes, dont j’ai personnellement du mal à comprendre le discours parfois (je ne donnerais pas de nom mais les présents dans la salle sauront forcément à qui je fais allusion), donnent le sentiment de ne pas parler de la même chose. C’est pourtant simple :

Les libraires doivent être en mesure de présenter des offres de livres numériques aux bibliothèques. Le projet PNB vise à faciliter les interactions entre les éditeurs, les libraires et les collectivités.
PNB : Un projet essentiel au service de l’interprofession mis en œuvre par DILICOM. Il nous a paru nécessaire que les libraires, partenaires naturels des bibliothèques et des éditeurs, restent impliqués dans le développement de la lecture publique. C’est pourquoi, avec le soutien du CNL, nous développons une offre de service que nous avons appelée Prêt Numérique en Bibliothèque. Ce projet s’inscrit logiquement dans le prolongement du hub Dilicom qui assure depuis 2010 les échanges d’information et les transactions relatifs aux livres numériques entre les e-distributeurs et les libraires.

La dichotomie des acteurs, Dilicom/Flammarion Vs ePagine/CAREL, même si ceux-ci sont pertinents, me laisse assez dubitative. Comment se passe la discussion ? Tout le monde à pied d’égalité ? Une voix Flammarion = une voix ePagine ? J’en doute, mais vous me connaissez maintenant, je suis curieuse ! Bref ! Cette affaire a un goût de revenez-y avec en toile de fond le fiasco de 1001 Libraires. Je n’ai aucune idée de l’aide qu’apporte le CNL au projet. Et je préfère ne pas le savoir, tant je crains que cela me contrarie (rapport à l’aide zéro octroyée aux petits éditeurs pure-player). Et les bibliothèques dans tout ça ? Et le lecteur ? Il est où le lecteur ? Parce qu’évidemment on parle encore et toujours d’auto-dégradabilité et de DRM ! Deux points très noirs dans le processus d’achat (pourquoi en serait-il autrement pour du prêt) d’un livre numérique. Alors oui, la profession avance, mais la profession continue de faire la sourde oreille, et lorsque dans la salle, la question est posée sur l’harmonisation par TOUS les éditeurs d’un seul et même process mis à la disposition des bibliothèques, la réponse est juste politiquement correcte. Aujourd’hui le projet est menée par Gallimard (qui au-delà de détenir Flammarion, détient également la librairie Le Divan -tiens, tiens-), si d’autres éditeurs veulent se joindre à nous, ils sera temps d’en reparler. J’ai senti comme un flottement dans la salle !

Le feu d’artifice de la journée a été apporté par Philippe Chantepie, chargé de mission stratégie-prospective au Secrétariat général du Ministère de la culture et de la communication. J’ai franchement regretté que les invités de la précédente table ronde aient déserté l’auditoire. Ce personnage, haut en couleur par sa verve et son humour, aurait pu ébranler la question de la nécessité du chantier sur lequel ils œuvrent, et qui va coûter une blinde ! Dans tous les cas, il m’a ébranlée ! Ce que j’ai retenu de la démonstration peut se résumer très simplement. On lit de moins en moins, et ce n’est pas près de changer. Au fil du déroulé de son power point (malheureusement assez illisible, trop de textes, schémas, courbes ; on était forcé d’écouter, du coup), Philippe Chantepie nous démontre deux choses essentielles:
1) Des individus ont les mêmes comportements qu’ils aient 20, 30, 40 ou 50 ans. Ils regardent la TV à 20 ans, ils la regarderont à 50 et plus. Ils ne lisent pas à 20 ans, ils ne liront pas à 50 et plus !
2) La transmission de la lecture est sexuée. Une mère montre l’exemple à sa fille, un père à son fils. Les statistiques indiquent que c’est la femme qui aujourd’hui est plus encline à lire, l’homme lisant de moins en moins, voire plus du tout, dans les catégories socio culturelles basses. Il ne transmet donc pas ce graal à son fils. On va donc vers un appauvrissement, pour ne pas parler d’un tarissement complet de la lecture masculine pour les siècles des siècles (si l’on tient compte du point n°1). Comment endiguer le phénomène ? Evidemment personne n’a la réponse. Avoir des bibliothécaires masculins, et faire passer la lecture cause d’utilité publique… deux idées en l’air !

Dans tous les cas, j’espère bien que le fichier qui nous a tous laissé rêveur, vous pouvez vous en douter, sera disponible sur le site du Motif ou encore de l’espace d’Anglemont. Les prestations des uns et des autres ayant été filmées, j’imagine que nous aurons un debrief complet que je ne manquerai pas de rapporter ici également.


7 Commentaires sur “"Les enjeux du numérique en bibliothèque"

  1. Petite remarque préalable, si si ma présentation était clairement annoncée dans le programme, le retour d’expérience autour du projet de prêt de liseuses en bibliothèque regroupait plusieurs points de vue dont celui du bibliothécaire en 1ère ligne.
    Pour revenir sur la question de la place des appli en bibliothèques, je voulais apporter quelques précisions’ En effet l’achat, la gestion l’utilisation, d’applications et d’appareil Apple en bibliothèques ne sont pas encadrés juridiquement. Et ce n’est pas faute de demander ! Lors qu’on arrive à poser la question à quelqu’un de la maison Pomme ils ne voient pas l’utilité de négocier quoique ce soit en dessous de la dizaine de milliers d’appareil ! Bref avec 10 machines Nous n’existons même pas ! Ça veut dire au quotidien pas de compte collectivité sur le store, pas de paiement par bon de commande. Concrètement aujourd’hui avec 1 compte indiv sur le Store je peux utiliser 1 appli sur 5 appareil comme un particulier. Pour pouvoir acquérir 1 appli pour 1 appareil il faudrait que j’ai autant de compte ITunes, autant de compte mail et autant de CB!!! Alors oui, Je serai très satisfait de pouvoir acquérir un droit d’utilisation collectifs de vos appli sur IPad ! Alors oui en attendant on bidouille un peu pour pouvoir mettre dans les mains de nos usagers vos belles appli. Nos objectifs se retrouvent ici non?
    Dans cette période d’expérimentations intenses les pratiques précédent très souvent le droit et pour ma part j’aime bien cet espace de liberté… Et je préfère être exemplaire non sur le fond juridique mais sur la forme de mes projets en bibliothèques.
    Cyrille Jaouan responsable de la médiation numérique réseau des bibliothèques d’Aulnay sous Bois

    1. Merci Cyrille pour votre commentaire, qui fait en effet office de réponse. Que les choses soient bien claires, car elles le sont pour moi, je ne fais aucune attaque personnelle. J’interroge. C’est tout. Les solutions nous pouvons les trouver ensemble, ou pour le moins les chercher dans la discussion. M’avez-vous un jour contactée, par exemple ? Je défends mes auteurs avec plus de considération que beaucoup d’éditeurs tierces. Ils peuvent en témoigner. La vente d’une appli est à 4,49€ dans le meilleur des cas (seul Gallimard propose les siennes à 5,49). Ce sont des prix dérisoires, et si vous (bibliothécaires en général) avez tous les problèmes que vous énoncez (qui soulèvent de vraies questions), nous, éditeurs pure player, ne pourront plus survivre très longtemps. Quid alors de toutes ces pépites numériques aujourd’hui publiées principalement par les pure player ?

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