L’édition d’un livre cache bien des secrets inhérents à sa confection, même lorsqu’il s’agit de livres numériques. Marine Locatelli, auteur de « Le Livre Papillon » et Claire Fauché nous livrent ici quelques confidences sur l’élaboration de leur œuvre.

Marine parlez-nous de votre Papillon. 
Comment l’idée de ce livre vous est-elle apparue ?

Je me souviens d’un instant du quotidien… j’observais un papillon voler en pleine nature, dans la lumière du soleil… et j’ai imaginé un livre à sa place… j’ai vu des lettres voler autour… et j’ai laissé mon imaginaire voguer sur sa vague créative… c’est un voyage à bord d’un voilier et vous ne savez pas en embarquant pour quelle destination vous partez. Les papillons m’inspirent toujours. Souvent, je dis aux enfants qu’ils sont les pensées des fées… Vous imaginez toutes ces pensées qui volent autour de nous !?… (rires) Paolo, l’enfant poète du Livre Papillon a surgi dans un second temps. J’ai pensé à un enfant qui confiait les mots de son coeur à un livre. Et ce Livre peut voler parce que les mots de Paolo viennent du cœur. Ses mots donnent vie au Livre.
J’aime écrire avec ma plume et pianoter des histoires sur un clavier d’ordinateur, aussi j’ai souhaité relier le monde du livre numérique à la légèreté de jeux de mots, de sons, de notes de musique et d’images très animées… c’est comme écrire une partition d’émotions avec des temps de silence, de recueillement aussi. Et j’ai relié des enfants grâce au Livre Papillon qui tisse des liens magiques d’amitié. Paolo est seul au début de l’histoire, c’est un point fort. On ne peut pas vivre heureux sans lien avec les autres. Un ordinateur est un outil, il ne remplace jamais la rencontre avec les autres. Aujourd’hui, je m’interroge sérieusement sur les liens que créent les jeunes ados avec facebook, les réseaux sociaux. Un monde virtuel de faux amis. Où sont les amis ? Où sont les rencontres ? Celles qui vous nourrissent par leurs échanges, le partage, la complicité, la coopération, la compréhension, l’empathie… beaucoup sont seuls derrière leur écran comme Paolo. Je souhaite que des fenêtres s’ouvrent et que le lien à l’autre soit cultivé pour grandir ensemble. La rencontre de Paolo et de la p’tite Lilly a bouleversé leur vie… Je ne peux vous révéler ce pourquoi ici… Le Livre Papillon dévoilera ce mystère aux lecteurs curieux et amoureux des mots comme nous.

Imaginiez-vous que Claire en ferait une œuvre tellement riche avec ses nombreuses références (sous forme de clin d’œil, « Conte du haut de mon crâne » trône sur les étagères de la chambre de Paolo, mais pas seulement) ?

On parle d’effet papillon lorsqu’il se produit quelque chose sur notre Terre et qu’on observe les répercussions de l’autre côté de la planète. Eh bien, c’est un peu ce qui s’est passé dans notre aventure… Le Livre Papillon a eu des effets inattendus sur Claire… Il lui a donné une paire d’ailes invisibles comme à la p’tite Lilly de l’histoire. D’ailleurs, Claire ressemble à la p’tite Lilly que j’ai créée. Claire a joué à la folie chaque situation. Je l’imagine en cuisine avec tous les ingrédients qui feront une recette détonante. Elle s’est transformée en fée sorcière de la technologie. C’est pas rien ! Je souhaitais des surprises avec des animations drôles, j’avais évoqué avec vous différentes possibilités. Elle est allée beaucoup plus loin comme si elle était rentrée dans le décor. Elle s’est envolée. Littéralement. Elle a travaillé la mise en scène en créant des images émouvantes comme dans un dessin animé. L’ensemble est un concert très gai, les mots virevoltent parfois dans l’image. Avec des moments de fête inédits ! Et des scènes surréalistes. J’aime tendrement le hérisson de Paolo que Claire a dessiné et qui apparaissait dans l’un des poèmes. Elle a donné vie à ce petit hérisson mignon qui partage à présent le quotidien de Paolo. Aussi pour Claire, je souffle une bougie. Les volutes de fumée dessinent un cœur dans lequel un mot chaleureux et scintillant apparaît : Merci !

Vous écrivez surtout des scénarii, le lecteur ne sait pas toujours ce que c’est. Quelles sont les différences majeures entre l’écriture d’un scénario et celle d’un livre comme « Le Livre Papillon » ?

En fait j’ai découpé l’histoire du Livre Papillon comme un court scénario dès le début de l’écriture. C’était spontané. Le lecteur peut observer un montage parallèle construit avec d’un côté Lilly qui découvre les poèmes secrets de Paolo et de l’autre, l’enfant poète à la recherche de son précieux livre disparu. L’histoire avance sur la base de cette structure : où est le livre Papillon ? Comment le retrouver ? D’où les rencontres étonnantes qui surgissent en nourrissant la narration.
Je souhaitais créer un rythme musical dans cette histoire. Un rythme avec les mots, un rythme avec les images comme dans un scénario d’animation. Des scènes brèves et fortes en émotions. Avec une accélération progressive. Claire a bien senti cette atmosphère installée et elle a joué sa carte d’illustratrice animatrice avec ingéniosité. Au final, on se rapproche d’une histoire scénarisée, plutôt que d’un livre. C’est ainsi que j’imagine les livres numériques. Car avec l’image animée, on entre dans une dimension différente. L’attention des lecteurs peut être davantage retenue. Et en créant des espaces de respiration et des souffles inattendus dans la narration numérique, l’histoire s’étoffe d’une dimension émotionnelle bouleversante. C’est la différence entre le livre numérique et le livre papier. Dans l’avenir, la frontière entre livre numérique et cinéma va s’estomper. C’est à nous de tisser sa magie !

Avec Noël et les fêtes qui approchent, quel(s) souhait(s) faites-vous pour l’envol du Papillon ?

Que chaque enfant lecteur du Livre Papillon fasse un vœu qui lui porte Bonheur !

Et vous ma chère Claire, après « Conte du haut de mon crâne », ses 9 mois de gestation et la promesse de ne pas rechuter, « Le livre papillon » vous a finalement demandé autant de temps, vous y avez parsemé autant d’interactions et d’animations et plein-plein de clins d’œil à l’esprit very british !  Pour notre plus grand plaisir, vous n’avez pas su résister, pourquoi ?

Ahh, je voulais tellement faire plus simple et vite ! C’est pourquoi j’avais prévu de réduire les animations compliquées. J’avais d’autres travaux en parallèle, cela a aussi joué sur le rythme de la production. Pendant le développement du Livre Papillon, Conte du haut de mon crâne faisait son compte-rendu en tant qu’application, j’ai pris conscience du succès des animations en écoutant mon entourage et lisant les critiques. J’ai aussi fait mes petites études en testant plusieurs apps. Mes préférées restent celles qui regorgent de petites animations, de détails et de petits jeux interactifs comme Lil’ Red. J’aime me dire que c’est l’essence d’une histoire interactive. Sans animations et jeux, elle ne serait qu’une histoire illustrée.

Parlez-nous de votre travail sur ce livre en comparaison de Conte ? Qu’elles en sont les principales différences, et cela valait-il le coup ?

Sur Conte, on m’a reproché le tracé noir qui certes collait parfaitement à l’histoire, mais plombait un peu l’ambiance. Le Livre Papillon se devait d’être frais et léger, j’ai joué sur les couleurs vives sans trait de contour.
Pour Conte, j’ai illustré au stylo, puis scanné, vectorisé, corrigé tous ces traits, puis mis les couleurs sur « Illustrator » avant de passer sur « Flash » mais c’était un travail de titan : fastidieux, parfois inutile et pas toujours réjouissant.
Pour Le Livre Papillon, après avoir fait quelques croquis préparatoires au crayon, j’ai directement dessiné à la tablette et posé les couleurs sur Flash. Heureusement, qu’on retient ses leçons… C’était plus rapide à réaliser mais du coup, moins précis et parfois maladroit car moins habile dans la technique.

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De quel personnage vous sentez-vous la plus proche ? Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

On me dit que Lilly me ressemble… forcement, je me suis inspirée de mes photos d’identité quand j’avais son âge. Je lui ai dessiné des tenues colorées, prêté mes expériences d’enfant, donné beaucoup de personnalité dans ses gestes pour rester en adéquation avec l’esprit de l’histoire : une petite fille enjouée pleine de confiance en elle. Mais Leo est mon préféré. Je me suis raccrochée au peu d’éléments le decrivant. Il est sportif (il fait du vélo) mais il aime aussi jouer avec les mots, le français. Assez à l’aise et curieux pour appeler Paolo, mais plutôt peu bavard et réfléchit dans sa nature. Comme il est le seul à ne pas avoir de caractéristiques physiques précises dans le texte, j’ai pu lui donner une peau noire et un beau volume de cheveux. Je le trouve très beau.

Je sais que vous attendez toutes les deux la sortie d’une application de ce livre. Quelles différences voyez-vous entre « Le Livre Papillon » pour le web et le même « Livre Papillon  » pour les tablettes ?

Marine : Je pense au lecteur avec une tablette, assis confortablement dans un canapé, à côté d’une personne de sa famille, partageant ce moment de lecture… il peut lire l’histoire en touchant simplement l’écran, jouer du bout de ses doigts avec les animations qui sont nombreuses… tracer avec son index les lettres qui s’affichent au fur et à mesure sur l’une des pages… ça crée une approche vraiment différente à l’histoire, ce n’est pas comme cliquer sur une souris. Toucher un personnage du bout des doigts, ça vous rapproche de lui… même s’il est virtuel…

Claire : J’entends beaucoup de parents prêts à laisser leurs enfants devant une tablette mais certainement pas devant l’ordinateur. Peut-être est-ce du à l’image négative que peut véhiculer l’ordinateur comme l’est la télévision, contrairement à la tablette encore « jeune ». Un point important, on peut couper internet avec une tablette et toujours avoir la possibilité de jouer avec les applications – à l’occasion d’un voyage en voiture ou en train – contrairement à la consultation web qui recquiert une connection internet permanente. Aussi celui-ci demande un effort conséquent : il faut allumer son ordinateur, créer un compte, écrire ses coordonnées, acheter l’histoire… alors que de plus en plus de personnes passent par leur smartphone et quelques clics suffisent pour acheter l’application. Pour finir, le point le plus négatif : Apple qui domine le marché, restreint l’utilisation de FlashPlayer. C’est bien dommage car Flash est le meilleur logiciel en terme d’interactivite, d’animations, de qualité.

Merci à toutes les deux pour le plaisir que vous m’avez fait en faisant de ce livre un petit joyau « web » et j’espère bientôt « tablette » !

Pendant toute la durée du salon de Montreuil, « Le Livre Papillon » est gratuit avec l’achat d’un autre livre de la collection à jouer bon de réduction « Envol-du-papillon ».


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