Tous les ans depuis l’année 2011, La Souris Qui Raconte transhumait, direction le salon de Montreuil pour un bain de foule, d’enfants, de livres… Cette année, la septième donc, mon choix fut autre !

L’expérience de ce très grand salon est magnifique, fatigante mais extrêmement riche (et culturellement nourrissante du coup), alors pourquoi cet autre choix ? Pour ceux que ça intéressent, je vais essayer de m’en expliquer.
Le premier argument est assez trivial puisqu’il est financier. Même si le retour sur investissement n’a jamais pu être quantifié, un stand, qu’il s’agisse d’un comptoir d’à peine un mètre de long ou d’une table de deux, coûte. L’expérience des six dernières années ayant montré que vendre du numérique sur un tel salon tient de la gageure, cet investissement était donc celui de la représentation, indispensable au démarrage. Seulement voilà, ça fait sept ans !
L’autre argument est une certaine érosion de l’envie, doublée d’une frustration progressive. Je n’irai pas jusqu’à dire « Tant de bruit pour ça » car certains y trouvent leur(s) compte(s), mais vu de ma fenêtre, ce sont souvent les mêmes et alors qu’on parle de la diversité et de la richesse de l’édition jeunesse, quid de tous les petits qui y participent ? Prenons le plan d’agencement de cette année par exemple. Niveau 0, 47 stands alors que j’en dénombre presque 100 au niveau 1. Ai-je vraiment besoin de vous expliquer pourquoi je trouve cela choquant ? Je ne polémiquerai pas, je n’y suis pas, et je laisse à chacun le soin de sa propre réflexion.

Maintenant, petite rétrospective !

La souris fait son cirque-SLPJ2011-recadré2011 année 1 l’année du cirque avec pour la première fois un Pôle Numérique pour les éditeurs ad’hoc. Le salon innove puisqu’il est le premier à valoriser de la sorte les « pure-player jeunesse » ! Souvenez-vous, la sortie de l’iPad 1 date d’une année à peine, et c’est l’hystérie totale autour de ce médium. Nous participons à cette hystérie, et imaginons les développements les plus audacieux pour nos livres web. Sur notre tablette nous présentons  Antiproblemus veut sauver la Terre (introuvable sur l’AppStore aujourd’hui), et sur notre ordinateur notre collection de livres enrichis.
Le salon, célèbre pour son travail autour des Pépites, en ajoute une à sa liste. Pépite de la création numérique : Un jeu de Hervé Tullet.

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2012 année 2 l’année de l’aventure, nourrie des meilleurs espoirs sur le numérique et son devenir. Le flot des éditeurs « pure-player » a grossi, et c’est, bien alignés, que nous accueillons les visiteurs avides de découvertes tactiles ! La chasse aux écrans (ces vilaines sorcières sur lesquelles les plus ignorants déversent l’opprobre) n’a pas perdu de temps, et s’affiche sous forme de tracts placardés dans les rues autour de l’entrée du salon.
Pépite de la création numérique : Fourmi d’Olivier Douzou.

2013 année 3 l’année Kenji (Kollectif des Éditeurs Numériques Indépendants) notre héros, c’est dire combien on espère, encore et toujours, reconnaissance et considération des instances qui font l’édition. Un groupement pour être plus fort à plusieurs, porter nos voix, réfléchir ensemble à des solutions pour faire avancer ce genre émergeant de littérature enfantine. Nous prenons tous les risques parce que nous y croyons, alors que le modèle économique peine à se dessiner, mais nous les prenons à nos seuls risques et périls !
Pépite de la création numérique : Anne Franck au pays du Manga.
Epaulé par le CNL, le salon lance un fonds d’aide à la création numérique, pour soutenir financièrement des projets innovants qui seront dévoilés à l’occasion de la prochaine édition.

000008463_52014 année 4 l’année des 30 ans. 30 ans de littérature enfantine, 30 ans de textes, d’images, de livres pour la jeunesse. 30 ans de succès pour les uns et d’échecs pour d’autres. 30 ans de notoriété grandissante pour fédérer plus de 160 000 visiteurs. Sans conteste, une réussite magistrale ! Du côté de La Souris Qui Raconte, toujours à expérimenter, les Cartes à Lire (ou comment vendre du livre numérique et le dédicacer sur un salon) font leur apparition.
Pépite de la création numérique : Botanicula
E-Toiles Edition est l’une des lauréates à la bourse d’aide à la création, avec son excellent Lapin bricoleur. Mais l’initiative fait long feu et ne sera pas reconduite.

2015 année 5 l’année noire, plus Pour de vrai que pour de faux avec seulement 3 éditeurs « pure-player » encore présents. Le pôle numérique est démantelé, comme tous les pôles d’ailleurs et nous sommes mélangés aux éditeurs papier du Grand Marché. Déception. Encore ! Les visiteurs avaient pris leurs habitudes, les pôles artistiques étaient des repères et permettaient, il me semble, une identification rapide de la littérature par genre, dont l’édition numérique. Il est vrai que la défection croissante de nos troupes, rendait la reconduction des pôles caduques (au moins pour le pôle numérique).
Pépite de la création numérique : David Wiesner’s Spot

1355_SLPJ_SALON_AFF_40x60_Mise en page 12016 année 6 l’année sens dessus dessous. Une année tellement « up side down » que je me rends compte seulement aujourd’hui de mon erreur. En 2016, c’était bien notre sixième participation, contrairement à ce qu’indique le titre de l’article. Et les deux « pure-player jeunesse » (stricto sensu) encore en lice étaient Cot-Cot-Cot App et La Souris Qui RaconteL’Apprimerie, mes partenaires de Cartes à Lire, proposant cette année-là des livres papier, dont l’excellent 3 petits chats. Une édition du salon particulièrement difficile et frustrante, où la confrontation papier Vs numérique (sous forme de Cartes à Lire) a démontré toute la dichotomie.
Pépite de la création numérique : pas de pépite.

2017 année 7 l’année de l’absence, mais surtout du ménagement. L’année du repositionnement, où l’on me verra et entendra à Rouen, qui fait aussi son festival. Les deux éditeurs « pure-player » (stricto sensu again) de l’édition 2016 proposent chacun un ouvrage papier avec sa déclinaison numérique incluse. A ce propos, Eric Sanvoisin sera en dédicace lundi 4 décembre (de 11h à 13h) sur le stand de mes co-éditrices et amies L’Apprimerie. Niveau 1, Grand Marché.
Pépite de la création numérique : pas de pépite.

J’en ai terminé de ma petite rétrospective, qui montre, s’il en était besoin, combien l’avenir du livre numérique en France est compromis. Le modèle que je défends, celui du streaming, s’il peine aussi à se mettre en place, me semble plus cohérent avec l’avenir du web et de la couverture réseau, où la France finira bien par rattraper son retard.


2 Commentaires sur “Montreuil 7e… sans nous !

  1. Tellement bien résumé Françoise . J ai suivi pendant toutes ces années l évolution du numerique au salon et comme toi cette année j ai tourné pour trouver des pépites . Trois éditeurs noyés dns la foule des livres papiers . Trois éditeurs qui se mettent à Faire des livres pour survivre parce que personne n’y croit . Je trouve ça désolant et entendre de l part d’editeurs Papier «  de toute manière ça ne marche pas » de voir des livres qui normalement sont ccompagnes d’une appli et qui n est pas montrée au public …je ne comprends pas et j aurais envie d’hurler mais pensez aux enfants ….je baisse les bras …

    1. Non il ne faut pas baisser les bras. Les choses forcément trouveront leur juste place, mais c’est vrai que cela se fera « chacun pour soi » et ça c’est désolant !

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