Il attire toutes les convoitises, et son passage, telle une comète, ne dure que six jours. Il se déclare toujours au début de l’hiver et son approche est souvent glaciale. Une fois le trajet du métro à l’entrée accomplit, il est de rigueur de se découvrir, sinon coup de chaud garanti. Le choc est brutal ! La température d’abord… et puis les cris, l’ambiance hyper active qui règne dans ce lieu sanctuarisé ! Ce lieu qui, cette année, a failli ne pas ouvrir à ses milliers de visiteurs ! Aux kyrielles d’enfants spécialement préparés, aux habitants même du lieu, qui s’apprêtent depuis des mois pour LE salon ! Montreuil… espace culturel jeunesse par excellence !
J’y étais. Et comme les autres années, en simple visiteur (je n’aime pas « visiteuse ») ! Mes passages successifs m’ont toujours laissé un goût étrange, cette année, comme les autres. A bien y regarder, je trouve l’endroit extrêmement paradoxal.
Prenons les éditeurs. Commençons par les « blockbusters », ils se reconnaîtront, encore qu’il y ait bien peu de chance que mon sujet arrive jusqu’à eux ! Ils s’étalent sur des centaines de m2. Les enfants envahissent leurs étals ou rayonnages ou les deux. Le personnel est là. Il explique, suggère, promeut, met en sac et encaisse. Les autres, les plus petits, les plus discrets, les indépendants, cette année étaient surtout relégués à l’étage, affluence en bas, calme plat en haut. Eux on ne les connaît pas (encore), je ne parle pas ici des journalistes, mais du grand public. Certains peut-être descendront niveau 0 dans quelques années, d’autres disparaîtront, comme ce sera le cas pour l’excellente maison d’édition Être (mort annoncée sur le stand, en bas pourtant).
Maintenant, regardons du côté des auteurs et des illustrateurs, ceux qui viennent en masse, non pour des dédicaces mais pour vendre leur art ! Ceux-là dont, fut un temps, j’ai fait partie. Ils s’y rendent pour faire des rencontres, prendre des contacts… Se vendre, et c’est connu un illustrateur, c’est ce qu’il fait de mieux ! Combien feront mouche ? Combien réussiront à intéresser, puis séduire, et enfin travailler pour tel éditeur ou tel autre ?
« Le Monde Des Livres », numéro spécial distribué sur les lieux, titre sa une, « Non, lire n’est pas un luxe ». Permettez-moi d’en douter Mme Noiville, vous faites d’ailleurs le distinguo entre les subventions propres au salon et ses actions au long cours. Un salon, c’est d’abord un business. Les livres, et donc l’édition sont un business. Et la question que je me posais en regardant et en écoutant tous ces enfants courir dans les allées, c’est combien d’entre eux repartent avec un album jeunesse sous le bras ? En observant également des illustrateurs présenter leur « book » je me demandais combien décrocheront un contrat ? Et sur le retour, plongée dans mes pensées, j’essayais de comprendre le malaise éprouvé. Cette débauche de convoitise, accessible, mais à qui ?
Un malaise, oui, il n’y a pas d’autre mot. Et chaque année, c’est la même chose, pour ceux qui espèrent là-bas une rencontre ou même un simple « retour sur investissement »…
En tout cas, bravo pour tout ce que vous faites ! J’adore !
Merci Sévérine, je vais continuer aussi loin que je peux aller, il faut juste tenir, face à tous les autres.