Pas beaucoup de découvertes à faire sur les livres applications pour les enfants ces derniers temps, ne trouvez-vous pas ? Mon coup de cœur, deux en fait, et pas des moindres, publiés sur les stores depuis quelques mois, suivez le fil… ou le trait !
« Moi, j’attends » & « La grande histoire d’un petit trait » d’après les livres éponymes de l’excellent Serge Bloch, abordent tous deux, à leur manière, le thème de la transmission. Dans le premier, il est question d’un fil rouge qu’un petit garçon (que l’on voit devenir homme) nous demande de tirer avec lui pour « avancer » dans l’application et attendre… Noël… la fin de la guerre… que ce soit l’autre qui demande pardon… ou encore qu’il y ait un nouveau petit dans la famille ! Dans « La grande histoire d’un petit trait » (rouge lui aussi), un petit garçon (encore) se promène et aperçoit un petit bout au bord du chemin. Il va le ranger avec ses trésors, l’oublier et s’en rappeler… le petit bout prend alors vie invitant l’enfant à dessiner quelque chose. Et par là-même, nous aussi ! Et l’on va dessiner avec ce petit garçon, dans cet univers onirique et tout à fait charmant, où le temps passe, tranquille, mouvementé, malicieux ! Jusqu’à la séparation… et la transmission !
La différence majeure entre ces deux livres applications réside dans ce que l’un et l’autre proposent comme interaction. Dans le premier, le lecteur clique sur le fil rouge pour continuer la narration. Dans le deuxième, c’est le dessin qui est moteur, nous propulsant créateur-explorateur ! L’enfant va adorer, non seulement il va dessiner, mais ses dessins vont prendre vie dans d’autres moments du livre… parce que « la vie est magique » !
Super bien fait l’un et l’autre, tendre et drôle, ces deux applications ne répondent pourtant pas au même modèle économique. J’aime bien cette expression, c’est grâce à elle que l’on gagne, ou non de l’argent !…
La première est payante (2,99€ sur l’AppStore), quand la deuxième est gratuite (mais comment gagne-t-on de l’argent si c’est gratuit ? Guère plus avec un prix de vente à 2,99€ !).
Le sujet de la gratuité se pose souvent dans l’édition numérique. Question qui ne viendrait à l’esprit de personne pour des objets physiques (des livres par exemple). Entre 0€ et 2,99€, dont il faut avoir à l’esprit que seul 1,49€ revient au « publieur » , c’est bonnet blanc ou blanc bonnet. Il faut donc trouver l’argent ailleurs. France Télévision est coéditeur des deux livres applications, et si on a presqu’autant de monde crédité à l’un qu’à l’autre, le soutien financier n’a pour autant pas été le même. En effet au-delà d’avoir obtenu un meilleur accompagnement au niveau des régions et autre CNC, « La grande histoire d’un petit trait » a bénéficié d’une campagne Ulule pour une cagnotte collectée d’environ 15 000€. Et c’est tant mieux, tant mieux pour cette très belle création ! Ce qui me gêne un tout petit peu aux entournures, c’est France Télévision dans le casting, associée à une campagne Ulule (il n’est d’ailleurs fait aucune mention de FTV dans le pitch)… Par ailleurs, et c’est surtout là où je veux en venir, propulser cette œuvre gratuitement, complique considérablement la légitimité d’un modèle de développement payant des applications. Et si France Télévision peut se le permettre, ce ne sont certes pas les petits éditeurs numériques, de moins en moins nombreux.
Ma question est donc la suivante, et si quelqu’un à l’autre bout du tuyau pouvait me répondre, j’apprécierais grandement. Si l’édition numérique jeunesse semble ne pouvoir s’affranchir d’un géant de l’audiovisuel pour proposer des œuvres comme celles présentées ici, ou encore « Le dernier Gaulois » ou « Phallaina » , pourquoi le faire gratuitement ?
Ça ne rend pas service au marché, et par voie de conséquence, ça ne rend pas service aux éditeurs pure-player jeunesse… Les survivants !