Les freins à l’édition numérique sont nombreux, et la visibilité en est un gros !
Un livre, fait de pages assemblées entre elles, ça s’empoigne, ça circule de main en main, ça s’expose en librairies, en bibliothèques ou sur des salons. Y’en a plein les écoles. Un livre numérique c’est beaucoup moins « visible » et donc moins intuitif, ça fait peur parce qu’on ne sait pas par quel bout le prendre, on en a beaucoup parlé, et pas dit que du bien, alors quand une de mes auteures me demande un accès au site pour parler de ses livres numériques en classe, je me dis qu’on progresse quand même !

Cathy Dutruch, auteure de La petite musique du Monde, Ogre doux et Pour tout l’or du monde m’a sollicité le mois dernier pour avoir accès à ses livres, et plus généralement au catalogue de La Souris qui Raconte pour les présenter dans les classes dans lesquelles elle intervient. « Durant ces journées, je leur ai présenté le travail de La Souris Qui Raconte, mes histoires, les histoires d’écoles et les contes du haut de mon crâne, tout le monde a TOUT adoré. Enseignants et enfants… ».
Je trouve cette initiative formidable, et ce retour me comble de joie bien sûr. Je me suis d’ailleurs toujours demandée pourquoi les auteurs ou illustrateurs, ne considéraient pas leur(s) livre(s) numérique(s) publié(s) chez LSQR comme n’importe quel autre livre ? Et pourquoi la promo qu’ils font sur leurs publications papier n’a pas son pareil en numérique ? Bref, Cathy, parlons de cette initiative et de votre démarche.

Comment en êtes-vous venue à présenter les éditions La Souris Qui Raconte aux classes de votre département de la Haute-Saône ?
Cela va faire maintenant près de 15 ans que j’interviens dans les établissements scolaires. Divers projets d’écriture, poésie, théâtre, philosophie… mais dès le début de l’aventure avec La Souris Qui Raconte, j’ai montré nos réalisations. A chaque sortie d’ouvrage, je le présentais. Pour commencer, je suis très fière de ces ouvrages. Je suis fière aussi de participer depuis le début à l’aventure Souris. J’ai appris, je crois à aimer tout autant un livre numérique qu’un livre papier, je le découvre avec la même émotion, je le trouve aussi beau, et l’émerveillement des enfants, mais aussi celui des enseignants, me démontre à chaque fois qu’il y a bien une magie toute particulière dans le livre numérique. Je les ai donc tous présentés, pour que les histoires circulent comme pour un livre papier. On lit, on montre, on prête, on partage. Je vais partout. Des montagnes presque Vosges jusqu’à l’autre bout du département vers Dijon, je vais aussi dans d’autres départements ; je rencontre des centaines d’enfants depuis 15 ans, vous pensez bien si je les connais les gosses ! Et je sais donc, par expérience, que l’un des meilleurs moyens de les « raccrocher » à la lecture, ça peut être le livre numérique.

A l’occasion de ma prochaine présentation des ressources à la médiathèque départementale le 1er juin, il semble qu’une perspective de création d’Histoire d’École se profile.
J’ai rencontré beaucoup de monde qui s’est intéressé au travail de La Souris Qui Raconte. J’inclus, quand je dis La Souris, les auteurs, les illustrateurs, conteurs, etc. On parle aussi de l’aspect technique qui fascine car l’histoire devient vivante, un peu comme au cinéma. Il est clair que cet aspect là de l’édition jeunesse est mal connu du public dans notre milieu rural. Donc, lorsque les médiathèques se bougent, elles se bougent vraiment bien. C’est le cas à Vesoul. La personne rencontrée a envie de réunir une illustratrice qu’elle apprécie et qui intervient aussi en écoles et l’auteure que je suis. Mais la nouveauté dans la proposition, c’est de foncer direct sur un projet de livre numérique. Pas parce qu’il y a un effet de mode (même si ouf à la campagne ça finit par arriver), mais parce qu’on se rend enfin compte que les enfants adorent. Et que ce sera à la fin, très gratifiant pour eux. Il faut donc pour l’instant réfléchir au financement et voir quelle école sera partante. Les enseignants doivent être très motivés, c’est du boulot en plus sur la semaine, mais la plupart du temps, ils sont très intéressés. C’était le cas à Faucogney !

faucogney-et-la-mer-france-9Comment avez-vous, avec les élèves de l’école de Faucogney-et-la-Mer élaboré l’histoire qui figure à la fin de notre échange ? Est-ce en lien avec les ateliers philo que vous dispensez dans les écoles de votre département ?
Faucogney, c’est un village étrange et beau au pied d’une montagne. J’étais arrivée très tôt ce matin-là et j’ai donc décidé d’aller faire un tour plus loin, en attendant.
Le village s’appelle Faucogney-et-la-Mer, en pleine montagne vous pensez !
J’ai vu une pancarte indiquant « La Mer » ; j’ai immédiatement décidé d’aller voir La Mer, là-haut dans la montagne… Fabuleux !
Un air de forêt noire allemande, digitales et fougères, biches et cailloux roses… Et pas de mer cachée… J’étais sûre que dans cette école, les choses allaient être un peu différentes. Ce fut le cas.
De la cour, au pied de la montagne, on se sent comme la chèvre de Monsieur Seguin… Les gosses ont encore des cheveux longs et jouent au ballon. Les maîtresses sont jolies et souriantes. Ce fut donc facile de débarquer avec mes bouquins, de dire qui j’étais et de proposer l’écriture d’une histoire. J’ai demandé aux enfants de faire des recherches pendant les vacances, légendes locales (le lieu s’y prête tellement), faune, flore, histoire et j’avais repéré un jardin fou et magique à intégrer dans un récit. Je les ai donc envoyés à la pêche aux infos.
Les enfants sont revenus de vacances avec quantité d’idées et de dessins. Certains avaient interrogé parents et voisins.
Ces gosses-là sont proches de la nature, pêchent dans la rivière et aiment découvrir. La connexion internet n’est peut-être pas au top là-bas mais ne croyez pas une seconde que le temps s’arrête.
Le village est comme beaucoup hélas en Haute-Saône, au bord de l’abandon car les maisons se ferment, mais on sent à Faucogney une vraie volonté de ne pas laisser le désert s’installer. J’y suis retournée plusieurs fois avec joie, en mai pour la finalisation des interventions dans le cadre du printemps du livre jeunesse. C’est le réseau Canopé et l’inspection académique qui ont initié ce temps dans les classes, fait pour rencontrer les auteurs et les illustrateurs. Le 17 mai ensuite, nous avons passé la matinée en classe à découvrir les histoires de La Souris et l’après-midi à Luxeuil j’étais présente sur le salon du livre pour rencontrer un autre public.
Cette initiative sera reconduite l’an prochain. Sans doute irons-nous dans d’autres écoles…
Tout comme, on peut l’espérer, la volonté de construire un parcours artistique et culturel pour les élèves va se poursuivre dans les prochaines années. Que cela soit concret et pas un effet d’annonce. Que tous les artistes soient invités à entrer dans les établissements scolaires et à créer avec les enfants et les enseignants. Que des budgets corrects soient mis à disposition dans les écoles primaires qui sont le plus souvent les laissées pour compte en matière de budget. Le secondaire a plus de moyens…Souris Caligramme
L’an dernier, par exemple, au collège de Vauvillers, nous avions décidé avec la principale et la CPE de proposer un atelier d’initiation à la philosophie sur l’année. Ouvert à la plupart des classes, nous avons découvert ensemble des textes, des philosophes, des questions à se poser, un regard critique à construire ouvert sur le monde. Nous avons concouru à un projet du rectorat et avons été récompensés.
Chaque année, des projets naissent de l’envie des enseignants, mais il faut aussi proposer, nous, artistes… Il y a eu une autre idée, lancée ce mois-ci, d’un atelier d’écriture Haikus-Calligrammes avec une grande expo à la fin, le tout ouvert également aux parents !
J’ai déjà dit oui !

Votre exploration de l’écriture va au-delà de la simple ligne et cette souris, joli cadeau de vous à moi, le montre bien. Précieuse Cathy ! Merci pour cette belle implication dont nous aurons l’occasion de reparler très prochainement avec la sortie de « Le prénom du monde » , un livre initialement commandé par la maternité Etoile, et que vous, Claire Fauché et le directeur de la maternité, m’avez autorisé à publier sur le site de La Souris Qui Raconte. A découvrir début juin dans une version un peu enrichie !
Maintenant place à vos petits auteurs en herbe de la classe de cycle 3 de l’école de Faucogney, avec la maîtresse Helene Boffy dans le rôle principal.

La vengeance

Nous étions au XVIIe siècle, en novembre 1674, quelques mois après la bataille de Faucogney.
Faucogney_forêt_illustPour agrandir son territoire, Louis XIV avait décidé d’attaquer le village qui était espagnol. C’était l’un des derniers territoires que convoitait le roi de France et particulièrement le château.
Dans ce village, les habitants vivaient pauvrement, certains étaient forgerons ou paysans, d’autres, simples valets de ferme.
José Lorenza était l’un d’eux, fils aîné d’une famille espagnole bien connue et appréciée des villageois de Faucogney.
Cet homme fut anéanti par la mort tragique de toute sa famille.
Après avoir erré pendant des jours dans le village, l’homme partit brusquement s’installer dans la forêt. On le vit disparaître du bourg avec pour seuls vêtements un habit déchiré encore couvert de sang et dans sa main une très grosse hache.
Au milieu de la forêt, il choisit un endroit où construire un abri, une cabane. C’est avec des morceaux de bois, des pierres récupérées dans les ruines du village, du fer, des branches d’arbres, des cordes et de la terre qu’il réussit à se construire un endroit pour vivre.
Faucogney_paysan_illustTout autour de la cabane, la forêt était épaisse et c’était juste là que se trouvait la « pierre qui tourne » !
L’endroit était peuplé d’animaux sauvages : des loups, des renards, des sangliers, des chevreuils, un blaireau, tous avaient trouvé refuge au milieu des sapins, des chênes, des bouleaux et des hêtres.
Une horde de loups s’approchait souvent de la cabane et c’est ainsi que José Lorenza remarqua qu’il pouvait se lier d’amitié avec eux. Il eut peu à peu l’idée de les apprivoiser et de les dresser. Mais cela avec une idée bien précise qui était celle de se venger du massacre qu’il avait vécu.
Ce matin-là, lorsque José L. sortit de la cabane il remarqua que la pierre qui tourne était partie comme le dit la légende, tous les cent ans, elle quittait son socle pour aller boire dans un étang.
Pour lui, dans son malheur qui le hantait, ce fut le signal : il décida qu’il était temps de se venger des soldats français qui avaient tué sa famille. Son père, sa mère, sa sœur, son frère, tous avaient péri sous l’épée des soldats de Louis XIV ! Il ne s’en remettrait sans doute jamais…
Ce dimanche matin, il descendit au village accompagné de trois loups parfaitement bien dressés et pendant la messe, il alla se cacher dans la maison de la famille d’un des soldats français qui avait assassiné sa famille. Lorsque les gens revinrent de l’église, José Lorenza et ses loups les attaquèrent. Seuls deux enfants qui étaient encore sur le chemin du retour en réchappèrent. Tous les autres furent dévorés par les loups. Les deux enfants rescapés, l’un bébé l’autre âgé de neuf ans, s’enfuirent ainsi dans la forêt et arrivèrent par hasard à la cabane. Lorsque José Lorenza revint de sa vengeance au village il trouva les enfants terrifiés dans un coin de la pièce. Là, tout au fond de son cœur il ressentit de la pitié pour les deux innocents et décida alors de les garder avec lui. Il les éleva comme si c’était les siens. Il les éduqua, leur appris à lire, à écrire, aussi bien en espagnol qu’en français et malgré leur pauvreté ils devinrent une famille unie.
C’est ainsi que notre histoire se termine.
Les enfants devinrent des adultes… Le plus jeune vécut dans le secret mais l’autre ne put jamais oublier la mort de ses parents. Ils vécurent dans la solitude, se débrouillèrent pour vivre mais au prix de plusieurs tragédies, la paix était revenue au village.
Aujourd’hui Faucogney est un village de plus de cinq cents habitants dans lequel règne une bonne entente. Il reste encore un des membres de cette étrange famille de José Lorenza, une fille qui s’appelle Odette et qui a créé le plus beau jardin de la vallée…
Allez donc voir…

Faucogney_arbre_illust

 


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