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le prénom du monde
écrit par Cathy Dutruch
illustré par Claire Fauché
animation et développement par L'Apprimerie
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Comment t’appellerons-nous ? disait-il chaque jour à ce petit monde à naître. Son épouse tournait alors vers lui ses milliards de lumières de poussière d’étoiles dont les yeux des enfants sont également faits, et répondait : demandons aux étoiles, vos sœurs, mon tendre amour.
C’est le monde, qui va naître ! s’écriait-elle ; et nous devons lui choisir un prénom, un prénom si beau que nul ne l’oubliera jamais !
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La maman du monde se tournait alors vers l’univers, sa fenêtre céleste, et elle contemplait, de son balcon des galaxies, les couleurs laissées libres et sauvages par un soleil lointain. Demandons aux étoiles, répétait-elle à son époux, à quoi te sert donc d’être le cosmos, si tu n’oses pas leur poser la question ?
Cosmos convia donc, pour plaire à sa femme, toutes les étoiles de la Voie lactée.
Toutes, absolument toutes, même les plus petites, les plus éloignées, les plus brillantes, les plus filantes, les pluies d’étoiles aussi, furent invitées.
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La maman du monde les reçut pendant quelques milliers d’années, car le temps n’était pas celui que l’on connaît. Dans l’univers immense, il y eut beaucoup de bruit, on claqua des portes, on apporta des sièges, on calcula des distances, on attendit longtemps pour certaines nébuleuses sévères, mais toutes répondirent à l’appel. Certaines arrivèrent fourbues, d’autres brisées et encore d’autres ne brillaient plus tant la route avait été longue.
On dormit à la belle étoile en attendant les retardataires et on servit un festin sur une carte du ciel. Et puis, enfin, un beau minuit si l’on peut dire, toutes les constellations, astres et minuscules lumières furent installés sur des tapis moelleux de voies lactées. Un immense jardin, une infinie beauté auraient été les mots pour décrire cette réunion unique et féerique.
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La maman du monde, qui voyait les éternités passer de plus en plus vite et le terme de sa grossesse arriver, leur expliqua qu’il était urgent de choisir un prénom à ce monde qui allait voir le jour.
Un enfant de l’amour, s’exclamèrent les étoiles !
Quelle beauté ! Il ou elle aura les yeux de sa mère et la bouche de son père ! Ou inversement dirent les étoiles voisines !
Nous verrons bien à qui ressemble le monde, mes sœurs, il n’est pas encore l’heure pour ceci et si nous avons été conviées, c’est avant tout pour choisir un prénom à cet enfant du merveilleux !
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La première étoile à s’exprimer fut sans doute celle qui venait de plus loin. Elle venait de là-bas, aux frontières du bleu et du noir. On la respectait, on l’écoutait, même si l’on craignait un peu que son choix ou ses idées ne soient trop âgés pour le monde qui allait arriver… Mais ce qu’elle dit ne fut que sagesse et sérénité.
« J’ai parcouru plusieurs milliers d’années-lumière et j’ai vu d’autres mondes grandir. Ce que je peux vous dire, murmura-t-elle aux futurs parents, c’est qu’un prénom est un mot que l’enfant entendra tous les jours de sa vie. Il sera dans son cœur et dans sa langue maternelle. Ce sera un mot universel et pourtant unique, qui sera tout autant lui que pour lui, il sera son miroir et aussi son visage. Choisissez-le avec amour et avec respect. »
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La pluie d’étoiles filantes qui souhaita ensuite s’exprimer déclara solennellement qu’un prénom doit être plein de couleurs et d’idées, qu’il doit refléter une personnalité !
Toutes ces petites chipies brillantes se coupèrent la parole, firent écho les unes aux autres et pour finir tombèrent d’accord que c’est bien l’idée que l’on se fait de l’enfant qui va naître et pas tout à fait ce qu’il est ou sera pour de vrai.
Au pied d’une nébuleuse timide, on recueillit l’avis très doux et très tendre, qu’il serait sage d’attendre pour donner un prénom de voir le visage de l’enfant qui va le porter.
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Il y eut aussi une dispute éclatante, provoquant mille feux, qui fit grogner le père et trembloter la mère, lorsqu’une très grosse étoile, lourde de conséquences et pesant son poids d’ombre, se mit à tourner à tourner sur elle-même, en argumentant qu’un prénom doit être un prénom de famille, une tradition qui se respecte et que la fantaisie n’a pas sa place dans ce choix de noblesse !
Une toute petite, apporta aussi son grain de ciel comme seules les étoiles peuvent faire, à saupoudrer d’humour la grande réunion. « Un prénom, dit-elle, ça doit être à la mode, à la mode de chez nous dans l’univers et c’est tout ! »
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C’était un brouhaha fameux dans ce coin-là de Voie Lactée ! Cela dura tant et tant que des listes furent faites, car choisir un prénom pour la vie est si difficile ! Et si l'enfant à venir était sans cesse pressé d'aller jouer ? Il ne souhaiterait alors porter comme nom qu'un diminutif enjoué ! Et si le monde à naître était poète, qui n’aime pas les sons trop graves et préfère un prénom composé ?
La maman du monde relisait très émue, ces listes farfelues ou sérieuses déposées à ses pieds et tentait de se faire une idée en écoutant son cœur. Le papa essaya, lui aussi, en posant son oreille sur le ventre, de parler à l’enfant-monde et de lui demander ce qu’il en pensait. Mais le monde était très sage alors, et se contenta de quelques minuscules coups de pieds qui firent sursauter toutes ces étoiles qui n’étaient pas habituées.
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Et puis, un soir ou un matin de bonheur, après neuf mois de nos attentes terrestres tout au bord d’une heure invisible à notre regard d’adulte, le temps s'arrête pour regarder naître un enfant.
C'est le moment où basculent toutes les certitudes,
Parce que l’amour fait déborder les mères et
les
océans,
Parce que l’amour fait naître les enfants,
Le monde naquît comme tous les autres
petits.
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Nu comme un ver, entouré et aimé, on le coucha
dans un berceau immense, sous une voûte très
céleste.
Il se mit à crier et cela fit grand bruit, un monde qui vient au monde, qui invente le futur et l’impatience et refait notre monde !
Imaginez un peu ce qu’ont caqueté les étoiles de mères ! Comptez-lui donc les doigts de pieds ! A-t-il une petite bouche ? Ses cheveux sont-ils noirs ou très longs, le monde a faim ! Il faut lui donner le sein ! Il est exquis ce bout de nez !
ouuiiinnnn