Le sujet fait actuellement débat sur le groupe LinkedIn du CRAK (cercle des éditeurs d’applications pour les Kids). Petit rappel pour les non initiés.

Le CRAK, inauguré en février dernier par Laure Deschamps de La Souris Grise, s’adresse aux éditeurs d’applications tels que La Souris Qui Raconte. Quant à LinkedIn, c’est un réseau professionnel (à la manière de Viadeo, mais en mieux, pour moi en tous cas !). Tout cela pour permettre – in fine – des mises en relation, des prises de parole et d’échanges entre professionnels !

Ceci étant précisé, je vais vous retranscrire quelques bribes de l’échange, initié par Michäel Guez de Chocolapps (site en maintenance à l’heure où j’écris), et vous donner mon ressenti, à la fin.
Je ne vous cache pas que, venant du leader du marché français, la question avait de quoi en surprendre plus d’un… et je confirme, sans trahir mes sources, nous avons été surpris !

Michäel G.

Avec la multiplicité des offres « Promos » sur l’Appstore… Ne sommes-nous pas TOUS en train de tuer le marché de L’App Payante ?

Après un grand moment de solitude (relisez mon article coup de gueule de mars dernier)… voici ce qu’on pouvait lire les jours suivants.

Laure D.

C’est un questionnement lié à un évènement particulier ou c’est une inquiétude générale ?

Domique Busso de Happy Blue Fish, éditeur de jeux ludo-éducatifs plutôt que de livres

Je suis d’accord avec Michäel, les promos il faut les utiliser très rarement… lorsque je repère un éditeur qui en fait régulièrement, j’attends toujours la prochaine promo pour acheter ses titres…

J’en passe quelques-uns qui s’éloignent un peu de la question initiale et traînent du coté de l’IAPs (comprendre In App Purchase, une partie gratuite, puis ensuite $… pour continuer d’avancer). Le jeu est très friand de ce modèle. Il s’appuie sur l’addiction !

Michäel G.

(…)
Lorsque nous sortons une nouvelle application, nous activons de nombreux leviers marketing (…). Nous parvenons le plus souvent à bien positionner cette nouvelle app au classement de l’appstore. Mais au bout de quelques jours, l’effet de la nouveauté s’estompe, et cette application s’enfonce mécaniquement dans les profondeurs du classement.
Pour faire remonter cette app, il n’existe malheureusement que très peu de solutions aujourd’hui. La plus efficace et la plus facile à actionner, est la baisse de prix temporaire. (…)
Mais finalement est-ce viable ? (…)
A force de faire des promos, ne sommes-nous pas en train d’habituer les consommateurs à attendre une baisse de prix pour acheter ? Au final, je pense que cela risque d’appauvrir la qualité de l’offre des éditeurs, car il ne sera bientôt plus rentable de proposer des apps riches en contenu (puisque non rentable, ou alors à très très long terme).

La Souris Qui Raconte

Bonsoir à tous, cette question est en effet assez tragique, et la promo tue sans complexe un marché par trop immature.
Qui crée l’offre ?
Si nous la galvaudons, c’est non seulement à nos dépends mais aux dépends du marché dans sa globalité.

Odile Flament de CotCotCot App

@Françoise, 200% d’accord. Ces promotions continues se font également aux dépends des artistes qui nous suivent et prennent des risques.
@Michäel, Nous n’avons pas encore un grand catalogue et nous ne pouvons (voulons) pas jouer au yoyo avec nos applis. Cette politique des prix fait partie de notre proposition de valeur lorsqu’on discute avec les auteurs-illustrateurs avec lesquels nous collaborons. En ce qui concerne « Bleu de Toi » par exemple, il était hors de question de le pricer trop bas afin de ne pas affaiblir le « prix de marché » de Dominique Maes. Nous ne prévoyons pas non plus de baisse de prix – sauf peut-être pour la fête des pères.

Sandrine Hervé de Slim Cricket

Les gens ont du mal à avoir de la considération pour les œuvres dématérialisées, la culture du gratuit dans ce type de produit est profondément ancrée.

J’ai extrait ici les quelques répliques qui m’ont le plus interpellée. L’intégralité est à retrouver sur le réseau LinkedIn. Si vous n’êtes pas inscrit, vous ne pourrez malheureusement pas y accéder.
Ce qu’il ressort à mon sens de ces échanges, est l’inquiétude générale des développeurs d’applications.  A moins que la question de Michäel G. ne soit que stratagème de découragement, subterfuge, qu’il prêche le faux pour savoir le vrai ou encore cherche du réconfort dans les réponses de ses coreligionnaires… ses inquiétudes sont légitimes et je plussoie à ses préoccupations !
A force d’observer les positions des uns et des autres dans l’App Store, j’ai constaté un vrai changement dans le paysage. Chocolapps, longtemps positionné dans le top 20, avec entre 10 et 15 de ses applications, perd progressivement de son leadership ! Son public aurait-il fait le tour de la question, et sa masse critique aurait-elle été atteinte ? Pour autant, comme bon nombres d’éditeurs, j’observe avec intérêt la réussite (ou non), d’une telle société ! Dans tout business il faut des succès pour lancer des marchés. Celui-ci ne décolle pas !

Comment dégager du chiffre d’affaire, et faire vivre une société avec un minimum de salariés dans un marché aussi complexe que celui de l’application – livre de surcroît – ? Que ceux qui vivent de leurs productions, après avoir payé 3 ou 4 salaires, sans avoir recours à de la prestation de service ou autre, se lèvent. Je doute fort qu’ils soient aussi nombreux que pour Danette ! Et j’augure sans hésiter qu’en France, ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Et encore …
Les baisses de prix (ou pire la gratuité), relayés par tous les sites de critiques d’applications en ligne, La souris grise mais aussi DéclicKids, AppliMini, IDboox… font le jeu de cette mécanique. Leur lectorat guette ! En se faisant l’écho des fameux « BONS PLANS » , ils satisfont des consommateurs qui, avertis de ces pratiques, ont pris, en moins de 3 ans, de bien vilaines habitudes. A l’instar de ce que fait Dominique B., ils attendent !

Et pendant ce temps, les développeurs s’épuisent ! …
Je ne suis pas Madame Irma, et ma boule de cristal est juste une boule d’intuition, lovée au creux de mon estomac ! Après la folie hystérique générée par l’arrivée des tablettes, nouveaux outils tellement tactiles et tellement incontournables, le soufflé n’est-il pas en train de retomber ? Les nouveaux entrants entrent, ils font trois petits tours et ils ressortent, faute de pouvoir payer pour voir.
Nous avons tous coupé la branche sur laquelle nous étions assis. Le marché est mal emmanché, le consommateur mal éduqué. Et jusqu’à preuve du contraire, ma sœur Anne, je ne vois rien venir pour changer de cap !


9 Commentaires sur “Baisses de prix : stratégie ou hallali ?

  1. Même questionnement aussi du côté de Bragelonne qui a enchainé les opérations commerciales depuis deux ans. La dernière opération, à mon avis, a été une opération blanche compte tenu des ayants-droits américains. Comment motiver des acheteurs entre deux opérations commerciales? On peut se poser la question.

  2. En fait vous êtes marron surtout à cause de la politique de prix bas que Apple et Google valorisent.

    Ils utilisent tout les leviers possibles pour vous forcer à pratiquer des prix bas, car leur intérêt ce n’est pas que les 30% (!!) qu’ils vous ponctionnent à chaque fois, ni la qualité de vos applications.

    C’est surtout qu’un utilisateur qui achète régulièrement des applications pas chère, aura aussi tendance à en acheter de manière régulière très souvent. Et c’est sur le volume global de toute les ventes de toutes les apps pas chères que google et Apple gagnent vraiment beaucoup.

    Donc ça n’est pas dans leur intérêt de valoriser les apps par les votes qualitatif, ils préfèrent valoriser la consommation kleenex des apps, qui génèrent bien plus de profits au final, donc ils créent des prix minimums, incitent à la promotion avec les charts de « topventes » par défaut.

    Vous vous regroupez, c’est bien.

    Mais vous devriez vous regrouper pour remettre en question ces 30% usuriers que vous font payer ces « shops », qui ne produisent rien et à qui ça ne coûte rien de vous distribuer mais qui gagnent tout de même 30% de vos revenus car ils sont en position de monopole absolu. Vous êtes plus taxés par eux que par le fisc et l’urssaf, et pourtant vous l’acceptez.

    Vous êtes acteurs et victimes de ce système, et c’est vous même qui donnez la corde à vos bourreaux pour vous faire étouffer.

  3. Bonsoir Gounzor,

    Les 30% dont vous parlez sont acceptables dès lors que Apple ou Google agit au même titre que n’importe quel distributeur. Ce n’est donc pas le pourcentage qui pose problème. Combien croyez-vous que FNAC ou Amazon ponctionne ?

    La politique de prix bras est une des vraies questions.

    De quel secteur venez-vous vous même ?

    Merci pour votre commentaire.

  4. Intéressant. Voilà un moment que les promotions sont pointées du doigt. Mais il n’y a pas qu’elles qui entrent en compte. L’élargissement du public (et donc des gens moins fortunés) favorisent les applications planchers. La politique de la promotion est tellement généralisée qu’une politique différente de quelques éditeurs n’y pourra certainement pas grand chose. Le pli est pris, et il risque hélas de continuer à mesure que la base d’utilisateurs s’élargit, certains faisant le pari de baisser le prix du fait de cet élargissement… A nouveau, il y a peu d’issue à la baisse continue des prix.

    Il me semble qu’il y a par contre un autre outil qui n’est pas valorisé, c’est bien la recommandation dans le magasin lui-même. Et, là, il y aurait beaucoup à faire et à dire, sur la politique d’Apple lui-même. La faiblesse de l’espace consacré à la promotion des applications ou des livres (comparés en volume le nombre de titres mis en avant chaque semaine avec celui d’une librairie normale, et vous comprendrez une partie du problème). La nullité crasse du moteur de recommandation, des modalités de classement… sont autant de choses sur lequel les développeurs et éditeurs devraient râler voir s’armer.

    1. La recommandation, en effet. Elle est un levier formidable, totalement inexploitée et inexploitable chez Apple et autre.
      Merci Hubert pour vos précisions expertes 😉

  5. Les distributeurs physiques ont des coûts de fonctionnement structurels qui n’ont rien à voir avec ceux d’Apple ou de Google, la seule chose que vous leur coûtez, c’est l’infrastructure serveur, et l’électricité des stores….

    C’est ce que je vous dit, vous donnez énormément de ce que vous gagnez pour un service rendu très faible, avec des intérêts complètements différents des votre.

    Le marché est saturé de petits développeurs qui ne peuvent pas lutter, mais comme dans tout les marchés de ce genre, il y aura un moment ou les gros développeurs seront si puissants qu’ils transformeront les règles de ces stores ou deviendront indépendant d’eux.

    1. @Gounzor : Parce que vous croyez que nous ne la savons pas ? L’AppStore c’est le web avant Google m’a un jour dit quelqu’un ! J’en suis restée comme deux ronds de flan, tellement c’était évident !

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