Parce que le marché numérique jeunesse est particulièrement compliqué, chaque acteur essaie de trouver le bon angle d’attaque pour résister. Cas d’école !

X applications tierces regroupées dans une seule…
Lorsqu’un éditeur d’applications en crée une qui regroupe les produits de ses concurrents, on est en droit de s’interroger. Dubitative, après qu’une amie rencontrée au dernier Salon du Livre m’ait parlé de cette nouvelle offre de Chocolapps, je la télécharge illico et approfondis un peu le sujet. Parce que La Souris Qui Raconte expérimente elle aussi des modèles, et dans ce secteur, qui ne le fait pas, MyKidApps interpelle particulièrement. Soyons clair, ce n’est pas l’idée en soi qui me pose problème, elle est excellente, mais la méthode est, de mon point de vue, « sujette à caution » !
Pourquoi le leader du marché a-t-il créé une telle application et à quelles fins ? Philanthropie quand tu nous tiens !

Bisounours ou business ?
Entre le coût de production de l’application, l’éditorial et la mise à jour des données, combien celle-ci va-t-elle coûter ? Combien faut-il vendre d’exemplaires de chaque appli tierce avant d’amortir les dépenses ? Si mes sources sont exactes, Chocolapps ne touche que 4% des 30% pris par Apple. Même si une partie éditoriale est copiée-collée à partir de sites spécialisés dans la critique d’applications, ou bien directement de l’AppStore, tenir à jour une telle offre représente du temps, et n’a de réel intérêt que si elle se renouvelle quotidiennement. Enfin, alors qu’aujourd’hui Chocolapps est à la tête d’un fonds (énoooorme) de 56 applis iPad (applis découvertes incluses) et 73 applis iPhone (découvertes incluses également) il me semble normal de se demander s’il n’est pas juge et partie dans cette affaire.
L’éditeur n’ayant pas vocation au mécénat (ou alors j’ai raté quelque chose), ne nous la jouerait-il pas « businours » ?

Focus sur l’application
La première chose qui vous est demandée à l’ouverture de MyKidApps, comme pour toutes les autres apps de Chocolapps, c’est votre adresse mail. Cette demande récurrente de l’éditeur semble être son principal moteur marketing. Sinon, une fois passé la requête, que vous pouvez décliner, le contenu s’organise en trois catégories « Les bons plans » – « La sélection des spécialistes » – « La sélection MyKidApps » . La fiche produit contient les principales informations inhérentes à l’application, dont un bouton INFO. Celui-ci ouvre sur une page comportant elle-même d’autres critères, dont des liens de partage Facebook, Twitter et courriel.

3 types de sélections
Bouton INFO
Liens sortants

Sous couvert d’une communication toute tournée vers les parents et leurs enfants, l’éditeur nous ferait-il prendre des vessies pour des lanternes ?

La 1ère application proposée par des parents pour les parents et les enfants (1ère phrase figurant sur l’AppStore)

L’équipe myKidapps s’engage à être totalement libre et indépendante … Elle s’engage également à travailler dans le respect des enfants et des parents pour les informer de ce qui se fait de mieux blablabla… (pop-up à ouverture systématique dès lors que vous entrez dans l’appli)

Je ne suis plus parent de jeunes enfants depuis longtemps mais, dans un monde où tout fout le camp, je suis sensible à l’éthique, à la façon dont sont faites les choses, les valeurs qu’elles véhiculent.
Questions
Q1) pourquoi des sites majeurs comme Déclickids, IDboox et Applimini ne font-ils pas partie des « spécialistes » vantés dans l’application ?
Q2) pourquoi autant de liens sortants, alors que cette tendance est décriée par les parents eux-mêmes ?
Q3) quel est le sens caché de ce respect des enfants évoqué systématiquement à l’ouverture de l’application ?
Q4) pourquoi la sélection proposée est-elle majoritairement tournée vers des éditeurs anglophones (MTV Networks, Story Toys, Usborne…) ?

Les réponses que je vous livre sont celles d’une personne sensée qui réfléchit avant d’acheter et pense que la flagornerie (parce que vous le valez bien) cache toujours quelque chose.
R1) les sites mentionnés ci-dessus auraient-ils décliné la proposition, à contrario des autres « spécialistes » ? Désaccord sur le fond ou sur la forme ?
R2) les parents deviennent prescripteurs le temps d’une recommandation faite via FB ou Twitter
R3) je bloque sur cette histoire de respect des enfants. Evidemment que l’on ne va pas leur donner à voir des applications non appropriées, mais on met quand même sous leurs petits doigts curieux, des liens sortants qui les dirigent direct sur le FB de maman ou le Twitter de papa. N’y a-t-il pas un truc qui cloche là ? MyKidApps s’engage, mais à quoi précisément ? Quels sont les critères de ce qui se fait de mieux ? Ça mériterait d’être un peu plus explicité puisque c’est ça l’argument de vente.
R4) le marché anglophone est bien plus en avance que le marché francophone, bien plus ouvert et réceptif aussi. Privilégier les développeurs outre Manche ou outre Atlantique, c’est du business, mais soyez assurés parents, ici on choisit pour vous !

Pour résumer
L’idée était bonne, la façon de la délivrer plus discutable. Les ressources fournies par des éditeurs tiers (ont-ils été consultés au passage ?) ne sont-elles pas utilisées en priorité pour 1) collecter des adresses 2) faire connaître MyKidApps par le biais des liens sortants, et donc faire connaître Chocolapps ? Je ne vois rien de désintéressé dans cette mécanique qui lui profite d’abord. Les adresses sont-elles redistribuées aux éditeurs tiers, par exemple ? Je pense que le business model de cette application n’est pas le chiffre d’affaires qu’elle va générer, mais la collecte d’adresses qu’elle va permettre de réaliser et qui profitera à l’ensemble du fonds, présent et à venir de Chocolapps.

Si toute cette diatribe n’était que pure élucubration de ma part, je vous prie d’ores et déjà de m’en excuser, et vous donne la parole pour éclaircir les points noirs de mon argumentaire suspicieux !


13 Commentaires sur “Tous les moyens sont bons

  1. Pour répondre…

    Q1 – oui, Déclickids a décliné la proposition, étant en désaccord sur le fond comme sur la forme avec la proposition faite par l’éditeur Chocolapps.

  2. Bonjour,

    Je me permets d’apporter quelques éléments de réponse à certaines questions posées en fin d’article.

    Avant tout, en tant qu’éditeur actuellement présent dans MyKidApps, nous n’avons pas été consultés par Chocolapps. Nous avons découvert que deux de nos apps figuraient dans la « sélection des spécialistes » et dans celle de MyKidApps directement après avoir téléchargé l’app.

    Mais j’avoue avoir du mal à comprendre la réflexion de Françoise concernant la question des liens sortants. En effet, il me semble évident que cette application est destinée aux parents et non à leurs enfants –d’où son nom, du reste. Son but est de présélectionner un certain nombre d’apps pour enfants et de les présenter aux parents susceptibles d’être intéressés. Par conséquent, les liens sortants vers l’App Store, Twitter ou Facebook ne me gênent nullement; aux parents de décider ou non de les utiliser.

    On peut reprocher à Chocolapps de mettre en avant ses propres apps dans la « sélection MyKidApps » –ça biaise un peu l’aspect indépendant revendiqué– ou bien de ne pas expliquer comment la « sélection des spécialistes » est constituée… Mais pas ces fameux liens sortants; si des parents pensent le contraire, j’aimerais bien savoir pourquoi…

    Ch.

    1. Bonjour Charly, merci pour votre commentaire.
      Je comprends votre argument. Les liens sortants sont un moyen de faire connaître l’appli en effet. Je reste néanmoins curieuse de savoir à qui cela va profiter à terme.

  3. Pour ma part, j’ai aussi tiqué sur l’édito « L’équipe myKidapps s’engage à être totalement libre et indépendante ». Euh quand on sait que c’est le plus grand éditeur français de livres interactifs pour enfants qui est l’auteur, l’indépendance on a du mal à y croire.
    Bon au moins, ils ne mettent pas en avant leurs propres applis… Mais tout comme vous, je pense que leur sélection est très fantaisiste. Je suis assez dubitative sur la pertinence de ce genre d’applis. Des sites spécialisés sont bien plus utiles avec leurs critiques CONSTRUCTIVES et basées sur une ETHIQUE.

  4. Bonjour,

    Je peux comprendre votre billet, mais je me permets également de partager mon sentiment. Tout d’abord, je souligne notre jeu a été intégré à MyKidApps, et nous en avons été informés au préalable par Michaël Guez.
    Je ne remets pas en question le fait qu’il puisse s’agir d’un essai, ou d’une tentative qui n’est pas du type bisounours. Mais qui le demande ? Chocolapps est une entreprise, j’aurais, pour ma part, trouvé plutôt étonnant qu’une création d’appli ne s’inscrive pas dans une démarche entrepreunariale. Et donc business. Mais pour moi il n’y a aucune honte à ça, si le travail est bien fait.
    J’aurais été plus gênée si Michaël Guez et son équipe avait créé cette appli sous une autre marque, en cachant Chocolapps de façon délibérée. Et là, j’aurais bien sûr été choquée.
    Ensuite, comme vous l’avez dit, nous sommes dans un marché en création. Tout le monde teste des moyens de, soyons honnêtes, rentabiliser son investissement. Les approches sont multiples, les applis sont gratuites un jour, payantes le lendemain. On essaye les achats in-app, on fait traduire en coréen, que sais-je… C’est aussi le côté excitant et motivant de ce secteur ! Et ça n’empêche évidemment pas de faire son travail avec passion et sérieux, et d’avoir envie de créer des produits de qualité.
    Rien n’est figé, et MyKidApps est un test de ce qui peut se faire. L’initiative est plutôt bonne, non ?
    La démarche des emails est évidemment discutable pour ma part. Quant au fait de mettre en avant Chocolapps, évidemment cela fait partie du jeu. Mais je pense que sur le marché français la mise en avant est faite de toutes façons, même sans MyKidApps, non ? Et je ne suis pas sûre que MyKidApps ait un rayonnement international pour le moment.

    Désolée d’avoir été un peu longue à lire, et bonne journée !

    1. Bonjour Vanessa, je vous rejoins tout à fait et le mentionne d’ailleurs dans mon billet, l’initiative est excellente. Là je n’adhère pas c’est la façon dont elle a été transformée.

  5. Applimini n’a jamais été contacté. Et si je l’avais été, j’aurais refusé car la démarche est en effet nébuleuse.
    Je suis d’accord avec Françoise sur le fait que l’appli ressemble trop à une machine à constituer un fichier d’emails. Mais je suis aussi d’accord avec Vanessa dans le sens que l’idée est bonne. Il n’est pas le seul à y avoir pensé. En revanche, il est le seul pour l’instant à y avoir mis les moyens.
    Pour résumer je trouve que l’appli est un produit sorti à la va-vite pour se placer rapidement sur ce marché, sans vrai contenu, sans vraie reflexion, avec des grands mots comme « spécialistes » et « indépendance » qui ne sont pas pas réellement décrits.

  6. Je suis assez d’accord avec Françoise.

    L’idée d’une appli de recherche, sélections et bons plans pour la jeunesse est excellente. Cela existe déjà sur le web. Mais quelle est la légitimité pour un acteur lui même éditeur d’applications enfants ?
    Cela ne semble pas choquer certains, moi cela me choque.

    Faisons un parallèle avec un produit qui fait partie de notre quotidien : les baskets. Vous imaginez Adidas créant un blog qui référence l’ensemble des produits concurrents de son secteur comme Puma, Reebok, Nike, par exemple, avec des critiques positives et négatives sur les caractéristiques techniques, l’esthétisme de la basket etc…(des critiques écrites par des podologues, sportifs professionnels ou amateurs de sport). Ce blog développé et géré par Adidas relayerait en plus les baisses de prix des baskets Puma, Reebok, Nike… Cela ne choquerait personne ? Poussons un peu plus la réflexion : sur chaque vente de Puma, Reebok ou Nike, Adidas prendrait un % et collecterait les adresses de ces dits-clients. Toujours personne ?

    Que dire également de ses podologues, sportifs professionnels ou amateurs de sport (équivalents sur notre marché à App-Kids, Déclikids, Applimini…) qui prennent le temps de choisir, décortiquer, tester, écrire… Sont-ils rémunérés par Adidas/Chocolapps pour leur travail ?

    Le business model de Chocolapps s’arrête t’il au % de commissions sur chaque vente ? Je me pose la question car si j’avais créé une telle app, je vendrai aux éditeurs des packages de mise en avant (sur la home ou dans les bons plans) comme le font d’autres applis qui relayent ce genre d’informations. Le magasin Adidas qui fait payer des têtes de gondoles ou une allée centrale à Nike…On marche un peu sur la tête.

    Chocolapps expérimente et veut toucher à tout. On peut le comprendre car on connaît la difficulté du marché. De plus ils ont des actionnaires à satisfaire… Mais il faut choisir son métier. On ne peut pas être un laboratoire qui produit des médicaments et le médecin qui les prescrit… L’exemple est un peu extrême mais il a le mérite d’être clair !
    A quand une appli développée par de vrais acteurs indépendants ?

  7. De plus, cette app risque de tomber comme AppGratis sous le coup de:
    guideline 2.25, stating that:
    Apps that display Apps other than your own for purchase or promotion in a manner similar to or confusing with the App Store will be rejected.

  8. Développer des apps en b2c n’est pas un business modèle rentable. Par contre, créer une base de données, en l’occurrence les adresses emails des utilisateurs et les monnayer peut intéresser les investisseurs. Ceci est bien sûr illégal et loin de moi l’idée qu’une société qui développe des apps pour les enfants pourrait s’engager sur ce terrain.

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