04 | 04
2013

Bonjour Emilie, bonjour Nicolas.
Après un silence éditorial d’un an (un tunnel, mais attention… pas noir du tout), La Souris Qui Raconte est très heureuse de revenir sur les grands écrans [NdR ordinateurs Vs tablettes] avec un livre numérique charmant, doux et coloré. Il suffit parfois d’un cygne. Il y est question d’oiseaux, de tonnes de piafs… de tous horizons et d’un premier amour sur fond d’absence. « Horror vacui » !  Deux enfants sans mamans, un garçon et une fille, se rencontrent à l’école et leurs petits cœurs font Boum ! C’est triste et gai en même temps, brutal comme le vide, chaud comme l’amour. C’est émouvant comme un premier baiser.

© Nicolas Gouny

Emilie, comment l’idée de ce texte vous-elle venue ?

J’ai toujours beaucoup aimé les oiseaux, au point d’en avoir eu, enfant. C’est très sauvage, délicat et gracieux, comme espèce. J’ai grandi dans un village dont on appelle les habitants « les corbeaux ». En effet, il est connu dans la région pour être squatté toute l’année par ces grands oiseaux noirs très mystérieux et un brin intimidant. De plus, notre langue grouille de métaphores, expressions et licences poétiques inspirées par les volatiles. Et puis, je trouve que certaines personnes ressemblent étrangement aux animaux. Physiquement. J’ai eu soudain envie d’un petit garçon-oiseau. Un enfant sauvage, délicat et gracieux… Enfin, comme Balthazar, j’ai eu une mère très très absente.

Vous écrivez surtout de la Fantasy, des romans avec plein de pages et en plusieurs tomes, et là, vous nous écrivez un texte court où les mots se jouent les uns des autres, et les oiseaux aussi ! Pourquoi ce grand écart ? Est-ce en lien avec votre métier, celui où vous n’êtes pas écrivaine ?

Bien avant de songer à écrire des romans pour ados, je rêvais de textes pour les petits. « Il suffit parfois d’un cygne » est né bien plus tôt que la série Apocalypsis, que je signe du nom d’Eli Esseriam. J’adore les livres pour enfants. C’est une véritable passion ! J’ai gardé les miens, bien sûr, comme on conserve les lettres de son premier amour… C’était mon rêve de petite fille : écrire une histoire pour les minots. Grâce à La Souris Qui Raconte, c’est chose faite ! L’adulte que je feins d’être, et l’infirmière que je suis, n’y sont pour rien, pour le coup !

Nicolas, je suis fan de votre univers illustratif très créatif (je ne suis pas la seule d’ailleurs, Emilie aussi !), et j’ai pensé que vos couleurs et votre poésie iraient bien sur les mots d’Emilie, qu’avez-vous ressenti à leurs lectures ?

Merci ! J’ai beaucoup aimé que cela parle d’oiseaux, car ceux qui connaissent mon travail savent qu’ils sont toujours présents dans mes dessins. J’ai tout de suite apprécié la belle écriture d’Émilie, fluide, simple, pas trop lyrique, mais poétique, et l’histoire toute bête de ces deux enfants…

Comment avez-vous travaillé sur ce format numérique ?

C’était un format nouveau pour moi, puisqu’il s’agit de mon premier livre numérique, mais finalement, comme je travaille déjà sur PC, et que je compose sous photoshop avec des calques, cela ne m’a trop bouleversé… La seule différence était le mode colorimétrique (RVB) qui donne des couleurs beaucoup plus ‘flashy’ et la définition beaucoup plus réduite des dessins… mais tout cela est assez technique !

Je crois savoir qu’un autre projet est en cours, pouvez-vous d’ores et déjà nous en dire quelques mots ?

J’ai en fait de nombreux projets en cours, car je suis plutôt boulimique. J’ai plusieurs livres « papier » qui vont sortir aux Ptits Bérets, chez Auzou, chez Belin et en Italie, et j’ai aussi un autre projet chez vos collègues d’Audois et Alleuil, non plus avec des oiseaux mais une petite vache…

Hâte de découvrir cette nouvelle création, j’avais fait un billet sur « La princesse aux petits prouts« . Je gage que leur prochaine production sera tip-top avec vous aux dessins !
Pouvez-vous nous dire chacun, comment ce format modifie votre expression ?

Emilie : Ecrire pour les petits demande une certaine vérité dans l’écriture. On ne peut pas tellement se cacher derrière le style ou les effets de manche, comme on pourrait être tenté de le faire lorsqu’on écrit pour les jeunes adultes. Il n’y a plus de place pour le cynisme : on est beaucoup plus à nu. Tout n’est que sensibilité et émotions. C’est plus sobre, plus honnête et souvent, plus joli. Personnellement, j’ai plus de mal à faire lire mes textes enfantins que mes pages pour ados. J’ai la sensation de m’y montrer davantage. De plus me livrer…

Nicolas : Pour moi, mais aussi pour tous les illustrateurs, c’est un support qui peut permettre une pleine expression, en animant, en poussant, en développant l’image. Il offre de chouettes possibilités pour qui a un peu d’imagination. J’aime, et j’espère aller encore plus loin au fil des projets, l’idée d’interagir avec le lecteur, qu’il puisse s’accaparer son livre, s’y incruster et, pourquoi pas bouleverser, chambouler l’histoire… !

On dit et on écrit beaucoup de choses concernant le numérique et  j’ai envie de vous défier gentiment.
Comment vous, très inscrit dans une culture papier, imaginez-vous son avenir… disons à 10 ans, à 20 ans et à 50 ans ! La boule de cristal n’est pas autorisée !

Emilie : Dans 10 ans, tout, ou presque tout, sera numérisé. Dans 20 ans, on aura trouvé un moyen de diffuser à bas prix l’implant intra-crânien, avec une lentille à poser sur la pupille en guise d’écran. On sélectionnera et lira n’importe quoi, en effectuant nos recherches d’une simple pensée. Ce sera extraordinaire et terrifiant. On pourra visiter des bibliothèques, devenues des musées depuis longtemps. Les enfants demanderont « c’est quoââ? » en montrant du doigt des dictionnaires, des encyclopédies, des livres colorés. Les parents soupireront et diront « T’as qu’à activer ta recherche ! Pense un peu ! » Parce que oui, on sera toujours aussi paresseux d’esprit…
Et puis dans 50 ans, comme la mode se fait, se défait et se refait, on assistera à un retour aux basiques, un « revival » du papier. Les années 90 ont ressuscité le patte d’eph, en 2010, on porte aux nues le col Claudine, la robe à pois et les escarpins à bout ouvert, on adore les papiers peints à motifs, l’esprit vintage, tout ce qui est rétro… Aussi, ne jetez pas vos bouquins ! En 2063 et des brouettes, ils vaudront l’or que nous avons toujours vu en eux…

Nicolas : Je suis depuis bien longtemps sensible au média numérique. Je suis un enfant des années 80 et des ordinateurs à cassettes, lorsqu’on écrivait patiemment des lignes et des lignes de codes pour animer des morpions et des vers qui se mangeaient la queue… Je ne suis donc pas du tout effrayé par le développement de la lecture et de la culture numérique, bien au contraire ! Je trouve cela exaltant et riche de potentialités… Pour ce qui est du papier, il a encore et gardera une vraie aura, un fort pouvoir symbolique. On assiste aujourd’hui au retour du bon vieux vinyle… Je pense que le papier suivra le même chemin, à côté des œuvres numériques…

Un grand merci à tous les deux. Merci pour cet échange et merci pour le très beau livre que vous avez offert à nos lecteurs.


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